Le Care : « Théorie du soin » contre « théorie du genre »

En 2010, Martine Aubry introduisait dans le logiciel politique français le concept anglais de Care, traduit par « prendre soin ». Après trois mois de médiatisation, cette approche politique par la notion de soin disparaissait totalement du paysage audio-visuel hexagonal, à tel point que peu de gens s’en souviennent encore aujourd’hui. Force est de constater que la théorie du « prendre soin » n’a pas eu le même destin que la théorie du genre. Pourtant, les deux théories sont chacune issues des milieux féministes anglo-saxons. La différence de traitement médiatique et politique entre la théorie du Care et la théorie du genre vient peut-être de ce que le « prendre soin » éduque à une attitude responsable envers autrui et soi-même, et représente donc un facteur de néguentropie sociale, un facteur d’ordre – au sens d’harmonie – donc un danger pour l’idéologie dominante. À l’opposé, la théorie du genre éduque à l’individualisme et au flou identitaire et comportemental, et représente donc un facteur d’entropie sociale, un facteur de désordre, donc un avantage pour l’idéologie dominante.

Martine Aubry ne se doutait certainement pas qu’en parlant de prendre soin, elle allait déranger à ce point. Et, au début du moins, elle ne s’est sans doute même pas rendu compte qu’elle prenait à contre-pied tous ses engagements européistes et « sansfrontièristes ». En effet, par définition, la politique du Care oriente l’esprit vers une éthique du soin, donc de la protection, de conservation, de préservation,de l’entretien et du principe de précaution. Elle focalise l’attention sur la proximité et le local, puisqu’on ne peut prendre soin que de ce qui est à portée. Elle est donc située aux antipodes de l’idéologie dominante, fondée sur la délocalisation, la globalisation, la déconstruction des acquis sociaux et la prise de risque… pour les moins nantis. La politique du soin rétablit ainsi une hiérarchie de priorité vitale : l’amour pragmatique du proche passe avant l’amour esthétique du lointain.

La théorie du prendre soin relève ainsi d’un féminisme authentique, un féminisme responsable, la théorie du genre n’en constituant qu’une déviance libérale et libertaire, hyperindividualiste.

État des lieux du féminisme

Sur le plan théorique, le féminisme propose un corpus de textes et de publications non unifié : des réflexions de bon sens y voisinent avec des aberrations fantaisistes, parfois criminelles, et des dérives idéologiques ou commerciales, néanmoins intéressantes à examiner sur les plans littéraire, psychologique ou sociologique. On y trouve donc le meilleur et le pire. Une liste non exhaustive irait de Louise Michel aux magazines ELLE et Cosmopolitan, en passant par Simone de Beauvoir, Julia Kristeva, Sylviane Agacinski, Élisabeth Badinter, Françoise Héritier, Hélène Cixous (fondatrice en 1974 du Centre d’études féminines et de genre à Paris 8), Monique Wittig, Judith Butler, Valerie Solanas, Donna Haraway, la revue Sorcières des années 1970 et les diverses « sororités » plus ou moins sérieuses comme Gynarchy International.

Certains pays du nord sont à l’avant-garde du féminisme radical et s’illustrent par des initiatives surréalistes, comme l’interdiction faite aux hommes d’uriner debout dans les toilettes publiques, ou ces enfants élevés dans l’ignorance de leur identité sexuelle, cobayes d’une expérimentation d’un flou identitaire psychotique provoqué. En outre, la composante « victimaire » du féminisme se prête aisément à une récupération par la propagande de guerre, comme le démontre l’invention du pinkwashing, démarche argumentative qui consiste à légitimer moralement l’agression militaire de tel pays sous le prétexte qu’il ne respecterait pas les « droits des femmes » ou des « homosexuels ». On pense notamment à l’invasion de l’Afghanistan par les armées occidentales ; armées présentées comme libératrices mais qui ont déjà tué plus de femmes que tous les Taliban réunis.

Le féminisme peut donc avoir un double-fond et servir de cheval de Troie à des intérêts autres que ceux mis en avant. Les liens entre Gloria Steinem et les Renseignements américains, ou entre Cheryl Benard et la Rand Corporation, le think-tank du lobby militaro-industriel américain, sont avérés, sans même parler du financement occidental des Femen et des Pussy Riot dans le cadre d’une guerre culturelle contre les pays non-alignés. Quant au slogan de l’émancipation féminine, il a surtout servi aux lobbies du tabac ou pharmaceutiques à vendre des cigarettes (Bernays) et des moyens de contraception invasifs et pathogènes, comme la pilule chimique et les avortements de confort, qui arrangent surtout les hommes et qui mettent en danger la vie de millions de femmes. L’historien de la publicité Stuart Ewen montrait dès les années 1970 comment le féminisme et le jeunisme furent lancés dans les années 1920 aux USA pour soutenir l’émergence de la société de consommation naissante, évidemment au prix de tout l’éventail des souffrances directes et indirectes induites par le consumérisme : addictions diverses, épidémie de violences conjugales, de divorces, de dépressions, de suicides, de maladies psychosomatiques, etc. L’alliance du féminisme et du capitalisme est également disséquée par la sociologie non conventionnelle : Michel Clouscard, Jean Baudrillard, la « théorie de la Jeune-Fille » de Tiqqun, et en littérature Michel Houellebecq ou Photographies d’un hamburger de Lucien Cerise, ainsi que chez des psychanalystes s’exprimant peu en dehors de leur milieu socioprofessionnel. Un premier bilan montre donc que, comme l’ensemble du dispositif rhétorique de la « victime », le féminisme peut avoir du sang sur les mains.

La nature féminine

Il existe aussi un féminisme non meurtrier, un féminisme constructif, tourné vers la vie, cohérent avec la dimension maternelle de la nature féminine. Tout un chacun possède une intuition, une impression immédiate, parfois confuse, de ce que sont les identités féminine et masculine. Ce sont parfois des clichés réducteurs, mais il faut néanmoins admettre que les physiologies et les psychologies des deux sexes possèdent des spécificités irréductibles transmises génétiquement et qui définissent leur idiosyncrasie respective. Au-delà de l’évidence visuelle de la conformation différente des corps, la biologie, les sciences cognitives ou l’éthologie ont montré que les cerveaux sont matériellement différents ainsi que leur fonctionnement, leur mode de traitement de l’information, de même que les taux d’hormones et les comportements différenciés qu’ils commandent en réaction aux mêmes stimuli. L’identité culturelle se déployant à partir de l’image représentée du corps, il existe donc un fil conducteur invariant de l’identité féminine, soit une essence féminine, un éternel féminin, un « génie féminin », c’est-à-dire une manière d’être au monde spécifiquement féminine. Il semble que cette nature féminine s’exprime par ce que l’on pourrait appeler un « sens de la proximité », ce que Julia Kristeva appelle « l’intime ».

Un concept féminin : le Care

Cette nature féminine induit un rapport spécifique à l’éthique, rapport davantage soucieux des relations de proximité que l’éthique masculine, plutôt portée sur les principes généraux. C’est en 1982, dans son livre In a different voice, que la psychologue américaine Carol Gilligan a proposé le concept de Care pour qualifier cette éthique féminine. Le terme de « care » vient du verbe anglais to care, ou de la locution to take care, « prendre soin ». D’après la fiche Wikipédia : « C’est ainsi qu’elle [Gilligan] conçut la notion de care : un souci éthique situé, enraciné dans la complexité du contexte et fondé sur la délibération, le soin et la conservation de la relation avec autrui. » Le concept a fait florès, mais il a fallu attendre 2008 pour que sorte une traduction française du livre de Gilligan, sous le titre Une voix différente (Flammarion). Martine Aubry popularisait cette notion en 2010 au travers de tribunes médiatiques et d’interviews, rapidement secondée par des chercheurs en éthique et en sociologie, mais aussi attaquée et raillée par des journalistes comme par des membres de sa propre famille politique qui qualifièrent ses propos de litanie de bons sentiments, voire de « nunucheries ». La théorie du Care est de fait à peine une théorie, ou alors une théorie de l’action, une pragmatique, et son appareil conceptuel peut sembler réduit en comparaison de certaines constructions culturelles spéculatives. Sandra Laugier, spécialiste de philosophe morale à Paris 1, justifie cela. Pour elle, « le Care est une « politique de l’ordinaire », qui renvoie à une réalité ordinaire : le fait que des gens s’occupent des autres, s’en soucient et ainsi veillent au fonctionnement courant du monde. Elle formule ainsi l’intrusion du Care dans le monde politique : « l’éthique, comme politique de l’ordinaire ». Dans cette perspective le sociologue Serge Guérin fait le lien entre le care et l’écologie politique, au sens où l’écologie nécessite une pratique du prendre soin des humains comme de la terre. »

La proximologie et le localisme

Serge Guérin, conseiller d’Anne Hidalgo (PS) pour les municipales de 2014 à Paris, dirige par ailleurs la revue Réciproques, laquelle explore le champ de recherches de la proximologie. Puisant parfois à la proxémique inventée par l’ethnologue Edward T. Hall, la proximologie est cependant plus focalisée sur les questions de travail social et d’aide à la personne, notamment dans le lien intergénérationnel et le troisième âge. Théorie particulariste et toujours contextualisée de l’action de proximité, la proximologie analyse trois pôles : 1) l’environnement immédiat et concret, 2) les acteurs de la situation, personnes dépendantes et leurs auxiliaires de vie, femmes de ménage, etc., mais aussi personnes valides dans leur espace domestique, 3) les liens de solidarité familiale, amicale ou de voisinage, ainsi que leurs déficits.

D’un point de vue philosophique, la priorité est ici donnée à la physis et à l’immanence, et déserte quelque peu la méta-physis de la transcendance et ses grands récits. L’attention est accordée au « petit » plutôt qu’au « grand », au « près » plutôt qu’au « loin ». Divers courants de l’écologie politique revendiquent ce « rapprochement général », comme le localisme, la relocalisation, les locavores, la permaculture, la transition, les AMAP, qui tous travaillent à reconstituer de la souveraineté alimentaire, énergétique, économique et politique, en redéployant entre producteurs et consommateurs des échelles plus restreintes et des circuits courts, voire directs et autogestionnaires. Dans le paysage associatif, on notera « Relocalisons ! » qui édite un journal intitulé Proximités. Ici, le schéma de l’action politique concrète consiste à rayonner autour de soi en cercles concentriques et en suivant la maxime de bon sens : « Charité bien ordonnée commence par soi-même. »

Penser globalement, agir localement (J. Ellul)

« Le premier environnement des humains, c’est le corps maternel ». Cette sentence est tirée de Solutions locales pour un désordre global, film documentaire de Coline Serreau sorti sur les écrans en 2010, et dont le fil rouge est la condition féminine. Le premier lieu des humains, leur première localisation, leur premier enracinement, c’est le corps maternel. D’où la tendance naturelle à concevoir tout lieu à l’image du souvenir de ce premier enracinement, qui a donné notamment les expressions de « Mère patrie » ou de « langue maternelle ». Freud ou Lacan auraient confirmé mais en y ajoutant la touche nécessaire du Père qui oblige à dé-fusionner, à se séparer relativement de ce corps maternel et de ce premier lieu, sans quoi la socialisation dans le monde est impossible. L’espèce humaine ne peut survivre sans un territoire de référence, mais elle est aussi programmée génétiquement pour se déplacer dans l’espace (au contraire des plantes), ce qui oblige à un effort de dialectique nécessaire pour articuler le territoire de référence, souvent le territoire natal, remontant dans l’utérus, et son extériorité mondaine.

La bipolarité complémentaire entre la Mère et le Père, entre l’intérieur et l’extérieur, recoupe l’opposition tout aussi complémentaire entre le local et le global. Nous ne pouvons négliger aucun des deux aspects, surtout à notre époque. Aujourd’hui, le désordre devient global et impacte le local dans lequel nous vivons. La compréhension de ce mécanisme requiert de se hisser par la pensée à son échelle. Il y a donc deux bonnes raisons de « penser globalement » : 1) la grille de lecture globale contient plus d’informations et est plus « intelligente », elle permet de comprendre plus de choses ; 2) l’idéologie mondialiste, par nature, pense globalement, ce que l’on ne peut neutraliser qu’en inversant ses propositions, ce qui suppose déjà de les comprendre dans ses termes, donc de se former soi-même à sa vision des choses.

S’il faut penser globalement, il faut ensuite agir localement. Les solutions, c’est-à-dire les applications pour sortir du désordre global, ne peuvent être que locales car nous vivons toujours dans un « lieu », situé dans l’espace et le temps. La politique du soin commande une action contextuelle car on ne peut prendre soin que de ce qui est à notre portée. Il faut donc devenir mondialiste dans une certaine mesure, pour en récupérer les informations qui peuvent nous servir, puis utiliser le mondialisme comme outil de la relocalisation antimondialiste. Accompagner la globalisation par la pensée jusqu’à un certain point, puis la subvertir au dernier moment en ramenant ses résultats intellectuels à l’échelle locale. Mettre le global au service du local. Rester ouvert par la pensée, mais agir en restant concentré sur la proximité et l’entretien de nos défenses immunitaires, ce qui suppose de réhabiliter positivement la notion de « fermeture »: personne ne vit dans une maison sans murs, les murs ne séparent pas, ils protègent.

Pour conclure provisoirement, il nous revient de travailler à la grande jonction des forces vives, les forces de la vie contre la mort, quelles que soient nos origines culturelles, confessionnelles ou politiques. L’horizon commun sur lequel converger, le point de mire de cette grande jonction, doit être la vie du pays où nous vivons, parce que c’est là que nous vivons, justement. Notre pays est un objet dont nous devons prendre soin, avec amour et attention, comme on s’occupe d’un jardin ou d’une maison, parce que c’est là que nous vivons et que c’est notre intérêt commun d’y vivre bien. Les acquis théoriques du meilleur du féminisme peuvent être convoqués pour penser cette démarche. C’est là que chacune doit prendre sa place dans la cité, à toutes les échelles, dans tous les domaines, avec ses compétences et ses différences.

Une Antigone

30 Comments

Ajoutez les vôtres
  1. 1
    Aude

    Dans les écoles d’infirmières, nous apprenons ce qu’est cette théorie du prendre soin (théorie présentée comme humaniste et non féministe)et tous les concepts et principes qui en découlent : bienfaisance, non-malfaisance, bientraitance, prise en soin globale de la personne, etc… Elle n’est donc pas totalement oubliée puisqu’elle est enseignée dans certaines professions. Celà dit, elle mériterait à être plus connue dans d’autres milieux…

    • 2
      Lydia

      Lydia, oui, j’ai entendu cela aussi d’une jeune dame qui venait de sortir de l’école d’infirmière. Impossible de retrouver sur le web quelconque instruction officielle à ce sujet, est-ce que vous savez où on peut trouver les textes d’enseignements à ce sujet vous ? Ce serait intéressant d’en parler ici.

  2. 3
    Uriel

    Mesdemoiselles, votre lutte est magnifique ! Vraiment !
    Je suis réellement heureux de la beauté de votre action, de votre philosophie, surtout de votre bon sens !
    Je suis un jeune homme et je déplore que notre société vous contraint tellement à changer votre nature.
    Vous voyez juste en tentant de ne pas adopter les méthodes masculines mais en vous caractérisant par les valeurs propres du féminin.

    Un jour, vous verrez, le monde sera plus féminin, nous serons moins dans le Faire et plus dans l’Être.
    Nous délaisserons beaucoup de nos excès issus du masculin mal dirigé pour ceux du féminin anoblit !

    Prenez soin de nous, prenez soin du monde !

    Un jeune homme

    • 4
      Célème

      « Je suis un jeune homme et je déplore que notre société vous contraint tellement à changer votre nature »…
      Oui, je suis d’accord, mais il faut aussi constater que la socité nous contraint aussi à changer notre nature, nous les hommes. Faut pas oublier. Je vous enccourage fortement, vous les jeunes hommes, notre avenir (et les femmes évidemment :-), à vous identifier en tant que tel: justes, honnêtes, fidèles, forts, courageux, protecteurs de leur famille, travaillants, etc. En fait, Célème est le nom de mon grand père, symbole de ce qu’était véritablement un homme il y a ~100 ans; rien à voir avec les hommes d’aujourd’hui.

      • 5
        Aurélie

        J’ai tout lu. Et je ne suis pas d’accord avec grand chose.

        Concernant les différences de cerveau : https://www.youtube.com/watch?v=OgM4um9Vvb8
        Je ne sais pas quels sont vos sources pour dire qu’il y a un cerveau féminin et un cerveau masculin (je veux bien les connaitre, même si je ne suis pas sûre que je reviendrais un jour sur ce site). Catherine Vidal, très grossièrement, explique qu’une femme pianiste réfléchira bien plus comme un homme pianiste que comme une femme nageuse. Il n’existe pas une façon de penser unique, ni même deux, mais une infinité. Lisez un de ces livres et reportez vous à ces références.

        Concernant cette « société qui nous contraint à changer de nature ». Je dirais que ce n’est pas du tout comme ça que je le ressens. La société nous formate dans un modèle féminin ou masculin. J’ai l’impression d’avoir passer ma vie à me justifier parce que j’aimais jouer au foot et que je n’aimais ni le rose, ni les robes, ni les bijoux. Encore aujourd’hui, à 25 ans, je dois expliquer pourquoi je suis ce que je souhaite être, et non ce qu’on attend de moi.

        Suis-je pour autant un monstre ? Suis-je incapable de m’intéresser aux autres ? Même si je ne suis pas la mieux placée pour me juger moi-même, je ne le crois pas.

        Être un homme, c’est être : » justes, honnêtes, fidèles, forts, courageux, protecteurs de leur famille, travaillants, etc » ? J’espère qu’être une femme, c’est être aussi toutes ces choses là.

        A titre personnel, voilà ce que je pense, ce dont je suis intimement persuadée. Il n’y a pas de qualités féminines ou masculines. Il n’y a que des qualités (et d’ailleurs de très belles qualités) humaines.

        Dire le contraire, c’est priver un enfant, dès sa naissance, de la moitié de ses potentialités. C’est restreindre de moitié ses possibilités. Et je trouve ça triste.

        Aujourd’hui, je n’ai pas envie de développer plus que cela mon argumentaire.

        Je vous souhaite à tous une bien belle journée.

        • 6
          Gaya

          Enfin un commentaire sensé!
          Chères Antigones, les femmes qui ont combattu pour une égalité totale des sexes doivent se retourner dans le leur tombe en lisant cela. Vous partez d’un concept, le « care », et vous en faites une lectures dévoyée, prônant un idéal féminin « maternel », réduisant la femme seulement à son statut de génitrice… Vous prônez une « nature féminine », mais bon sang, ne voyez vous pas que ce que vous prônez c’est une pensée biologiste et fixiste qui a servi au patriarcat à affirmer que la femme n’était justement que femme, et non pas un être humain capable de faire autant que l’homme.
          Réduire ensuite la constitution d’une psychologie à l’image que l’on se fait du corps, et de son corps, en tant que corps d’homme ou corps de femme est un nouvel exemple de la bêtise de cet article. Vous êtes surement pleines de bonnes intentions, mais vous ne savez pas réfléchir, vous faites des arguments machistes qui ont servi à réduire les femmes à leur capacité physiologique, c’est-à-dire à être seulement mère, en essayant de les retourner et de les présenter comme des arguments féministes. Mais cela n’est pas possible!
          Et je tiens à dire un grand Merci à Aurélie qui vous montre que l’on peut être femme sans être l’archétype dépassé de l’idéal féminin que vous prônez, et que chaque individu, avant d’être homme ou femme, est un être humain unique, qui par nature est tourné vers les autres.
          Mais pour pouvoir se tourner efficacement vers les autres il faut savoir qui l’on est d’abord. Et je pense que savoir qui l’on est ce n’est justement pas essayer de se conformer à un moule, un idéal masculin ou féminin, c’est chercher en soi (ce que vous nommez individualisme) ce que l’on est et surtout ce que l’on veut être! A bas l’homme viril et fort, et la femme faible et coquette… Regardez le monde qui vous entoure, vous verrez que vous vous êtes trompées de siècle!

        • 7
          Aline

          Aurélie, l’article et les messages des Antigones ne prônent pas un découpage stricte homme/femme dans le comportement, l’habillement, le rôle social, etc. seulement des tendances de fond d’origine biologique. Aussi je pense qu’il vaut mieux attendre qu’elles développent leur pensée avant de leur jeter la pierre car cela m’étonnerait qu’elles s’opposent aux expressions individuelles des personnalités, quand bien même celles-ci passeraient par une appropriation de certaines qualités ou codes habituellement attribués à l’autre sexe. Pour le moment je vois du bon sens dans ce qu’elles disent.

        • 8
          Krokrenelle

          Merci Aurélie.

          Aux antigones : pensez vous vraiment qu’il y ait un caractère fémini pour les femmes et masculin pour les hommes?
          Je vous répondrai que non. Je ne me sens pas femme parce qu’ai j’ai des seins et un vagin. Je ne me sens pas femme parce que ma mère m’a appris à mettre du rouge à lèvre.
          D’ailleurs je ne sais pas pourquoi je me sens femme. J’ai un corps que j’apprécie plus ou moins suivant mes humeurs, mais à côté de ça, je suis d’abord moi avec ce que j’aime, ce que je n’aime pas et j’aimerais surtout pas qu’on vienne me dire quelle est ma place. Je suis assez grande pour la trouver toute seule.
          Il n’y a pas d’idéal féminin, sauf pour les machos qui préfèrent voir leurs femmes aimantes et maternelles (au moins on est sûrs qu’elle ira pas boire des bières au bar du coin avec d’autres hommes, parce que c’est bien connus, les hommes sont guidés par leur entrejambe donc sont un danger pour leurs femmes). Dans ce cas autant mettre un voile!

  3. 11
    Fleur

    Homme et femme, c’est le même combat pour retrouver toute la splendeur de nos natures sexuées respectives, si admirablement complémentaires.
    Voici donc enfin venues, avec les Antigones, de nouvelles « féministes » qui enterrent la hache de la guerre des sexes, déterrée par le serpent dès la création du couple humain, comme on le lit dans le début du Livre de la Genèse, ce qui fit dire à Dieu : « Malheureux que vous êtes, mes enfants ! Désormais ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi ! »
    Il est temps d’ouvrir les yeux sur ce crime contre l’humanité au sens vrai que constitue le féminisme tel qu’il a sévi ces dernières années… Loin de libérer la femme de l’intolérable machisme, en la mutilant d’une partie d’elle-même, il a au contraire affranchi les hommes, qui ont (avec son inconcevable complicité !) ouvert grand les portes à la culture de mort.
    Comme l’a exhorté Vatican II, véritablement prophétique : « Femmes, réconciliez les hommes avec la vie ».
    Il y a du pain sur la planche.

    • 12
      sainkho

      le féminisme n’a jamais soulevé des armées ni tué personne contrairement au patriarcat. si l’ONU parle aujourd’hui de crimes contre l’humanité envers les femmes en introduisant le terme de « féminicide », ça n’est pas pour rien. le crime pour moi c’est de renverser les faits comme vous le faites. il n’y a pas de guerre des sexes… il y a eu et il y a toujours une guerre faite au féminin et aux femmes dans le monde. je suis atterrée par ce que je lis. si vous êtes pour les droits des femmes vous êtes féministes que vous le vouliez ou non (vous citez d’ailleurs des auteures féministes considérées comme différentialistes). l’intelligence politique est de faire front commun au delà des divergences de méthodes, pas de se désolidariser des autres mouvances. rien que pour cela, je ne peux vous soutenir.

    • 14
      Krokrenelle

      C’est sûr qu’en lisant votre commentaire, on voit bien qu’il y a encore beaucoup trop de pain sur la planche!!!
      la stupidité de l’Homme à vivre selon la bible à causé bien plus de ravages que le combat des féministes!!!!!

  4. 16
    Gilles

    Je partage totalement le point de vue de GAYA AURELIE FLEUR SAINKO
    Vous autres Antigones avez-vous seulement demandé leur avis aux intellectuelles que vous citez ?
    Allez donc voir les deux récents ‘Hannah Arendt’ et ‘le passé’ pour ne pas citer ‘la belle endormie’, ‘le premier homme’, où l’on trouve des portraits d’INDIVIDUS admirables !
    les FEMEN c’est de nouveau MAI 68 : une juste réponse laïque, antipaternaliste, NON VIOLENTE, une protestation contre la réaction qui ressurgit partout, qui joue des coudes, qui mate – au sens réprimer et non le trivial reluquer – et qui cogne, condamne, viole et tue, en Russie, Tunisie, Inde, France, Turquie, Brésil, etc…

  5. 17
    Thelx

    Merci à AURELIE, GAYA, KROKRENELLE, SAINKHO et GILLES.

    Je me sens insultée et menacée par la démarche des Antigones.

    Cet article est un tissu aberrant de contre-sens et d’approximations utilisées démagogiquement pour servir une idéologie qui sédimente notre culture depuis des siècles et pétrifient les hommes et les femmes dans des conceptions naturalistes si étroites et bornées qu’elles ont empêché tout un ensemble d’individus nés de sexe féminin – à part de rares exceptions ayant osé défier ses lois d’airain – de révéler leurs potentiels intellectuels et créatifs.

    Je trouve ça d’une ignominie sans nom d’oser attribuer aux féministes et aux études de genres les récupérations propagandistes d’un patriarcat occidental raciste qui se sert du droit des femmes pour envahir d’autres pays et asseoir sa domination. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le fait que l’Occident patriarcal fasse preuve d’une hypocrisie achevée serait la preuve que l’Afghanistan n’est pas un pays à la culture profondément misogyne. Je vous conseille de vous renseigner sur les femmes brûlées à l’acide en punition par leur mari au nom de la décence et de la morale familiale. Si les Talibans et les élites occidentales s’entendent sur quelque chose, c’est bien sur leur mépris commun des femmes, de leurs aspirations et de ce qu’elles vivent.

    Vous évitez très soigneusement alors que vous dénoncez les morts en Afghanistan, de souligner qu’il y a eu au total près de deux fois moins de morts de soldats américains sur le sol afghan pendant le temps du conflit que de femmes tuées par les violences conjugales sur le sol américain. N’est-ce pas absolument effroyable que la violence intra-familiale fasse plus de morts que la guerre ? N’en direz-vous donc rien, trop occupées à vanter les mérites du foyer de la sacro-sainte complémentarité hommes/femmes qui tue, écrase et humilie de par le monde ?

    Vous évitez de souligner que l’on compte en France 75 000 femmes violées chaque année, sans compter les mineures, seulement 10% de femmes violées osant porter plainte et la majorité d’entre elles regrettant d’avoir demandé justice tellement cette expérience a été un deuxième traumatisme qui les a à nouveau humiliées et remises en danger, et moins de 2% des violeurs mis sous les verrous sachant que les violeurs sont généralement multirécidivistes. Vous oubliez de parler du fait que la majorité des violeurs ne sont pas des inconnus mais des personnes « locales » connues par leur victime, et dans 30% des plaintes le compagnon ou l’ex-compagnon lui-même. N’est-ce donc pas ça l’urgence, plutôt que de parler des seins nus des Femens ?

    Vous parlez de « moyens de contraception invasifs et pathogènes, comme la pilule chimique et les avortements de confort » (Êtes-vous sûr de ne pas avoir d’affiliation politique ? C’est pourtant du Front National tout craché, mot pour mot.), et vous oubliez soigneusement de souligner que les femmes ayant subi un avortement n’ont pas de conséquences psychologiques négatives sur le long terme (à moins d’avoir subi des discours culpabilisateurs), tandis que les femmes subissant des grossesses non désirées souffrent bien plus de dépressions sévères et de problèmes de santé que la moyenne des femmes. Et vous osez remettre en cause les faibles moyens accordés aux femmes pour garder le contrôle de leur corps, le protéger et avoir la possibilité de planifier leur vie comme elles l’entendent ?

    Les femmes tuées, les femmes battues, les femmes mutilées, les femmes à qui l’ont dénie l’accès à l’éducation, aux soins et la possibilité de faire leurs propres choix de vie, les milliers d’avortements et d’infanticides ciblés exclusivement sur les foetus et bébés féminins dans les pays asiatiques, ça ne vous semble pas être des problèmes plus dignes d’être combattus, plutôt que d’ergoter sur les méthodes de ceux qui ont le courage de se lever pour les combattre ? Et vous OSEZ dire que le féminisme tel qu’il a été exprimé jusqu’à aujourd’hui a été MEURTRIER ?

    Vous n’êtes pas seulement ignorantes et déraisonnables sous des dehors d’érudition mal digérée et de « bon sens » qui cache mal vos préjugés étriqués que ne viennent remettre en cause aucune forme de jugement.
    Vous n’êtes pas seulement incapables de comprendre vos sources et de ne pas dévoyer par myopie les informations que vous utilisez.
    Vous êtes dangereuses.

  6. 19
    Mordoh

    A Gaya,

    L’égalité des sexes n’existe pas. La complémentarité, si.

    Je sais que ce terme de complément vous révulse mais c’est ainsi.
    On ne va pas contre la biologie.

    Une femme n’est rien sans un homme.
    Un homme n’est rien sans une femme.

    Désolé de vous rappeler quelques évidences de la Nature.
    Cordialement.

  7. 20
    lisa

    Merci à AURELIE, GAYA, KROKRENELLE, SAINKHO et GILLES
    et THELX .
    Car oui, quel fatras cumulatif, qui tente avec des définitions issues de…wikipedia, de rassembler et instrumentaliser pour amener vers vous toutes sortes de questionnement -eux légitimes – de jeunes femmes sur le monde actuel globalisé! Tout y passe, y compris le « penser globalement, agir localement  » ! le pompon va aux sciences cognitives qui auraient démontré , transformé par vous en affirmation, une différence biologique et génétique entre les cerveaux masculins et féminins!!
    Lamentable, et dangereux pour les jeunes femmes en mal de repères. Aussi dangereux que le sont les sectes, et tous mouvements ultra réactionnaires qui retournent en ce moment comme un gant, à leur profit, les termes des luttes anciennes et actuelles pour une société plus évoluée et respectueuses, pour sortir d’un monde binaire. Dire que les tunisien-ne-s se sont battu-e-s pour que le terme « complémentaire » ne soit pas inscrit dans leur nouvelle constitution ! Qu’en ce moment en Turquie et encore plus récemment en Egypte des milliers de personnes vont au front, lassées d’être étouffées par l’imposition de visions du monde réactionnaire comme les vôtres !
    HONTE A VOUS !!

    • 21
      Bryan

      Pour ma part, je considère beaucoup plus dangereux la théorie du Gender pour ce qui est des jeunes femmes en mal de repères. Les animaux sont-ils eux aussi victimes d’une construction «sociale»? Pourquoi en serait-il différent de l’être-humain? C’est une erreur dangereuse de confondre culture et nature. Bravo les Antigones!

      • 22
        LECTRICECURIEUSE

        « Les animaux sont-ils eux aussi victimes d’une construction «sociale»? Pourquoi en serait-il différent de l’être-humain? »
        Peut-etre parce que les animaux n’ont pas de société au sens humain du terme ?
        Les animaux ne voient pas tous les jours des publicités qui avilissent la femme, qui la montre en train de faire le ménage, qui montre des hommes dans les hautes positions hiérarchiques quand la femme est juste secrétaire. Votre question n’a aucun sens, depuis quand compare t-on les societies humaines et animals ? La société humaine pollue la planete, donc il n’y a pas de raison que celle des animaux ne pollue pas non plus. Cette affirmation vous semble stupide ? Et bien c’est le raisonnement que vous faites.

        Oui, c’est tres grave de confondre culture et nature, c’est exactement ce que vous faite. Pour votre gouverne, sachez que les effets des stereotypes culturels sur les roles des differents sexes ont ete tres largement etudies par les neurologues, et le resultat est sans ambiguité : les soi-disantes qualities dites féminines ou masculines sont des constructions sociales. Si vous etes interessé, je peux vous fournir tous les articles necessaires pour soutenir ce que j’affirme.

  8. 23
    lectriceCurieuse

    Bonjour,

    (veuillez par avance m’excuser pour la quasi absence d’accent dans mon commentaire, je vous ecrit depuis l’angleterre).
    Je souhaiterais réagir sur un passage de votre texte:
     » il faut néanmoins admettre que les physiologies et les psychologies des deux sexes possèdent des spécificités irréductibles transmises génétiquement et qui définissent leur idiosyncrasie respective. Au-delà de l’évidence visuelle de la conformation différente des corps, la biologie, les sciences cognitives ou l’éthologie ont montré que les cerveaux sont matériellement différents ainsi que leur fonctionnement, leur mode de traitement de l’information, de même que les taux d’hormones et les comportements différenciés qu’ils commandent en réaction aux mêmes stimuli. »

    Tout d’abord, j’aimerais savoir sur quelles sources scientifiques vous basez ces affirmations. Il n’y a, a ma connaissance, aucune donnee scientifique probante au sujet des pretendues differences genetiques des cerveaux masculins et feminins.

    Comment pouvez conclure de l’observation de differences comportementales entre hommes et femmmes que cela est enraciné génétiquement ?
    Connaissez-vous le fort impact qu’a l’environnement et le context social sur le comportement humain ?

    Des tres nombreuses etudes ont montré que les femmes agissaient selon cette « intuition » que l’on a de la nature feminine car elles sont conditionnées par une société qui les enferment dans des stereotypes.

    N’avez-vous pas peur qu’en perpétuant de tels stereotypes sur les modes d’actions féminins et masculins, vous n’influenciez négativement chacun des deux sexes ? Que les femmes qui se sentient plus de « nature masculine » s’autocensurent et de meme pour les hommes qui se sentent plus de « nature feminine » telle que vous la définissez ?

    Personnellement, cela me parait tres dangereux de vouloir enfermer les individus dans des « natures » immuables soi-disant définies génétiquement, car cela les prive de leur expression proper. Le cerveau humain est bien trop complexe pour definir a priori un modele dual de cerveau base sur le sexe. Les specifites individuelles sont bien plus fortes, pourquoi vouloir a tout prix les endiguer par ce genre de consideration?

    Merci d’avance pour votre reponse,

    • 24
      Alexis

      Si vous avez des origines anglaises alors le Docteur Simon Baron-Cohen qui travaille à Cambridge sur l’autisme devrait vous apporter des éléments d’informations qui enrichissent grandement ces débats passionnants entre le naturel et le culturel, l’inné et l’acquis et les cerveaux masculin et féminin.

      Par ailleurs, sachez que L’idéolgie du genre a été mise à défaut en Norvège grâce au travail pertinent d’un homme qui est devenu un héros dans son pays : dans google rentrer « Brainwash : the gender equality paradox 1/7 ou mettez ce lien http://m.youtube.com/watch?v=AZoRihmI1Ug&desktop_uri=%2Fwatch%3Fv%3DAZoRihmI1Ug

  9. 25
    Terpsichore

    Je suis d’accord avec AURELIE, GAYA, KROKRENELLE, SAINKHO GILLES, LISA, THELX, LECTRICECURIEUSE.
    Je suis totalement contre les idées exposées par les Antigones.
    Il n’existe pas d’étude scientifique sérieuse qui démontre une différence entre les cerveaux des hommes et des femmes. Les études scientifiques montrent surtout qu’il existe une différence très importante entre les individus, quel que soit leurs sexes.
    Vous ne répondez en aucun cas à la définition de féministes. Les féministes sont des femmes et des hommes qui se battent pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
    Vous, vous enfermez les hommes et les femmes dans des stéréotypes éculés et injustes. S’il existe des « natures » féminines et masculines, elles ne sont en aucun cas d’origine biologique ou génétique : c’est la société qui les crée et les impose aux individus.

  10. 26
    RESKNL

    Merci à AURELIE, GAYA, KROKRENELLE, SAINKHO, GILLES, et LECTRICECURIEUSE pour leurs contributions qui me font me sentir un peu moins seule. Mon propos rejoint les leurs, les répète parfois – désolée à ceux que les redites exaspèrent.

    Bonjour Antigones,

    Je ne sais pas très bien pourquoi je réagis, pourquoi je tiens à inscrire mes réflexions sur la mémoire de mon ordinateur et sur votre site internet. Peut-être juste pour moi, pour former ma pensée, pour comprendre la vôtre, pour saisir ce pour quoi votre discours m’insatisfait.

    Mon discours est un peu grossier, je vous prie par avance d’excuser les raccourcis dans mon raisonnement.

    Je vous ai découvertes par hasard sur Facebook. Une jolie photo à l’ambassade de Tunisie, de jolis vêtements blancs, un discours apaisant, des citations d’auteurs que j’aime. Une écriture intelligente.

    Je rejoins certains de vos doutes. Vos interrogations sur la pertinence de l’action Femen, en particulier lorsqu’elle s’exporte, ne me laissent pas indifférente.

    J’ai toujours eu du mal à me retrouver dans le féminisme ambiant qui semblent s’inscrire dans une éternelle logique de combat, de revendications, dans les cris et les gestes, dans les slogans des haut-parleurs. Cela ne me parle pas. Je ne veux pas être une féministe qui se bat contre les hommes, contre l’oppression, contre tout et tout le monde. Je ne veux pas de guerre, de violence, de défiance. Cela, peut-être, parce que je ne me sens pas opprimée, parce que je ne me sens pas retenue de quelque manière que ce soit du fait que je suis une femme. Je ne saurais en revanche parler au nom d’autrui ; lorsque l’oppression est trop forte, peut-être l’action violente est-elle une puissance libératrice.

    Alors votre discours et votre image pouvaient avoir pour moi un aspect séduisant. Quelque chose me retenait cependant, un quelque chose qui ne me plaisait pas : votre belle armée blanche, lisse et souriante, votre esthétique léchée et délicate, comme « trop propre sur elle ». Il me fallait comprendre votre propos avant d’y adhérer ou de le rejeter, en allant au-delà des critiques parfois virulentes (« femmes au foyer » – ce que je ne considère pas comme une insulte mais qui semble l’être dans la bouche de vos détracteurs -, « vierges filles à papa », etc.) qui vont sont adressées. Celles-ci ne peuvent en aucun cas me satisfaire – mais elles disent, maladroitement, quelque chose de mon malaise à l’égard de votre propos.

    J’ai donc parcouru votre blog. Je ne prétends donc pas avoir eu accès à l’ensemble de ce qui fait votre pensée – qui rassemble probablement, et ce serait normal, une grande variété de points de vue. Quelques mots dans votre manifeste ont néanmoins confirmé mon malaise (« complémentarité des sexes », par exemple), sans que je parvienne encore à le justifier. Ce bel article de votre blog (issu d’une voix isolée, dont je ne peux donc affirmer qu’elle vous représente complètement, encore que sa publication semble la rendre légitime à vos yeux) m’a aidée à y voir plus clair.

    Je tiens avant tout à remercier l’auteure pour cette lecture riche – et à vous remercier pour sa publication. D’autres commentateurs avant moi ont souligné les limites de cet argumentaire, voire ses erreurs, en particulier dans les prétendus résultats des sciences cognitives. N’oublions pas qu’il est plus que délicat, en particulier dans ce domaine, que de chercher à démêler l’inné de l’acquis, le naturel du culturel, l’individuel du social : comment en effet prétendre que telle ou telle différence ou ressemblance relève de la nature ou bien du social, alors que nous sommes immergés dans ce dernier dès notre naissance – voire avant ?

    Ceci dit, cet article a le mérite d’être développé et bien écrit. Je ne développerai pas plus sur mes doutes quant à la prédestination biologique.

    Je souhaite revenir sur la question du care. Sensible à la pensée de la « sollicitude », je suis de ce fait touchée qu’elle soit évoquée. N’ayant pas lu Carol Gilligan dans le texte, je ne puis me baser, pour développer ce qui suit, que sur ce que j’en ai retenu en cours de philo, et sur l’interprétation qu’en fait l’auteure du présent article. Celle-ci me dérange.

    Il me semble en effet que le discours de Gilligan, s’il part en effet d’une réflexion féministe originale qui me plaît beaucoup, prend davantage de puissance quand il est interprété comme une philosophie humaniste. Dans ce que je retiens de cette pensée, ce qui importe ne serait pas seulement la différence entre une approche dite « féminine » (attentive au proche, au soin, engagée dans une relation éthique à autrui – une approche sensible) et une approche dite « masculine » (soucieuse des grands principes moraux plus que des situations particulières, prise dans des logiques de maîtrise et de pouvoir – une approche rationnelle). Ce qui importe surtout, c’est que la société est ainsi faite, dans les sociétés occidentales contemporaines, que l’approche dite « masculine » est plus valorisée que l’approche « féminine ».

    Si l’on considère alors que cette deuxième approche est l’apanage du sexe féminin, on peut conclure à l’oppression des femmes – et l’éthique du care est donc un féminisme.

    C’est dans cette considération même que l’on se fourvoie, me semble-t-il.

    Je me refuse à interpréter ce que je suis comme « une femme sensible », comme ça, d’un seul bloc. Je me considère comme un être humain fait de sensibilité comme de rationalité. Ces deux approches se manifestent plus ou moins selon les moments de ma vie, et leurs degrés d’expression respectifs sont aussi, peut-être, influencés par la façon dont j’ai été éduquée et par la société dans laquelle je vis. Peut-être que mon sexe, mes hormones, ma complexion, jouent également un rôle là-dedans.

    On prétend qu’il y a une oppression des femmes qui souhaitent évoluer dans des univers « masculins », on dit que les femmes réussissent moins en maths ou qu’elles ont moins confiance en elles. Il y a aussi une oppression contre les hommes qui voudraient exprimer davantage leur sensibilité, et l’on en parle moins, et l’on se bat moins contre elle, et c’est plus insidieux. Une femme qui réussit dans un environnement « masculin », c’est valorisant, c’est une conquête qu’elle a accomplie, c’est du pouvoir qu’elle a acquis. Un homme qui réussit dans un environnement « féminin »… c’est moins visible. L’art reste peut-être un exutoire valorisant pour exprimer cette sensibilité.

    Alors, cette partition sensibilité / rationalité : innée ou acquise ? Naturelle ou sociétale ?

    Je ne le sais pas, je crois que nous n’avons pas vraiment le moyen de le savoir, et pour tout dire je m’en moque. Tout ce que je souhaite, c’est pouvoir vivre comme je suis et comme je le sens. C’est avoir le droit de ne pas être dans une case. Bien sûr, ce n’est jamais aussi simple. Nous avons besoin de cases pour comprendre le monde, nous avons besoin de modèles et de catégories, besoin de nous dire que nous sommes aujourd’hui la même personne qu’hier alors que nous avons changé, même de façon infime (c’est la grande question de la nouvelle de Borges « Funès ou la mémoire »).
    Et pourtant les cadres, les étiquettes, les boîtes, toutes ces catégories rassurantes oppressent, pourrissent la vie, et tuent (ceci est l’envolée lyrique de mon commentaire).

    « Homme rationnel » ou « femme sensible » ? Je refuse de laisser mon sexe décider pour moi de mon identité, et je refuse que mon identité se résume à des catégories. Je veux avoir le droit d’être à la fois Electre et Chrysothémis, puisque les métaphores grecques semblent vous séduire.

    De ce fait, je trouve votre discours oppressant. A partir d’une philosophie que je soutiens pour autant que je la connaisse, vous tirez des conclusions auxquelles je n’adhère pas.

    De l’éthique du care, je retiens cette aspiration à une meilleure considération accordée au soin, à l’attention, à la sollicitude – qu’importe le terme – dans la construction même de la société. Je retiens l’importance du sensible qui ne doit pas être étouffé par la rationalité (il y a d’ailleurs quelque chose d’assez drôle dans la volonté des pouvoirs publics à encourager les jeunes femmes à poursuivre des études scientifiques). Là-dessus, nous sommes d’accord.

    Que cette attitude doive être la chasse gardée des femmes, je ne peux en revanche l’admettre. Que le monde soit partitionné en « femmes sensibles » et « hommes rationnels » me paraît absurde et violent, quand bien même la sensibilité bénéficierait d’une meilleure considération.

    En refusant certains cadres et certains clichés du féminisme (et c’est salutaire), vous reconstruisez un autre cliché sur l’humanité. C’est dommage.

    C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec votre discours. Je ne rejoindrai donc pas votre mouvement.
    J’errerai encore, de çà, de là, à la recherche de voies alternatives.

    Cela ne vous avance pas à grand-chose, me direz-vous. Peut-être, en effet. Mais c’est au moins l’occasion de créer du débat, d’écouter des voix contradictoires. Et je ne peux donc que vous remercier d’avoir ouvert, à partir de vos réflexions, un espace de discussions – même si nous ne sommes pas d’accord. C’est enrichissant.

    Au plaisir de poursuivre cette discussion avec vous si vous le souhaitez,
    Resknl

  11. 27
    Graeve nicolas

    Opposer le care et le gender me surprend totalement.

    Je me forme dans la santé et dans ce contexte Le care signifie prendre soin en Anglais s’oppose ou selon le contexte épouse le cure qui signifie « traiter ». Dans le domaine de l’hôpital en tout cas. Je vais donner un exemple viser à avoir la meilleure qualité de vie possible relève du care bien que l’on prenne un traitement , recevoir une chimiothérapie avec une pour objectif de détruire un cancer relève du cure.

    Certes le care est aussi une théorie politique mais pour autant je ne vois pas ou est le drame avec le genre : dans le mesure ou c’est le résultat d’une critique sociale dénonçant la place de chacun comme étant conditionnée par le sexe biologique.

    La théorie du genre ne remet pas en question la notion de féminin ou de masculin mais émet que la place de chacun ou les occupations ne devraient pas être déterminées par le sexe biologique: Si un garçon joue à la poupée pourquoi le contrarier? si c’est le résultat d’une inclination c’est à dire que les voitures ne sont pas sont truc?

    Par contre le queer lui remet clairement en question la notion biologique du féminin et du masculin. J’ai vraiment l’impression que l’on mélange avec allégresse la notion de genre et de queer dans le débat public.

  12. 28
    mumen

    Salut, les Antigones !
    Sur la théorie, sur ce qui vous motive, je vous rejoins : on est allé trop loin dans l’abstraction (acquis), un retour au concret (inné) est urgent.
    Sur la pratique, il vous manque encore pas mal de recul : votre posture prête le flanc à toutes les simplifications habituelles et à toutes les guerres sororicides. C’est comme toujours sans issue, on le voit bien dans la portée des commentaires partisans sur votre site, d’un bord à l’autre. Vous cherchez l’apaisement dans la relation homme/femme, mais vous attisez la dissension femme/femme. Oh ! vous êtes loin d’être les seules à n’obtenir que la continuité de la guerre. Disons même que tout le monde ne parvient qu’à cela. Certains même en font leur but, je ne vous apprends rien, mais ce ne sont pas les féministes, de quelque bord qu’elles soient.
    Quand vous opposez la théorie du genre avec le Care de Gilligan, l’intuition est correcte et vous êtes dans la bonne direction, mais vous n’êtes pas suffisamment dans le recul.
    Fondamentalement, l’aspect erroné de votre posture c’est que vous dénigrez le Gender sans discernement. Ceci vous met à dos automatiquement la moitié du féminisme, moitié ultra dominante devenue parangon de la bien-pensance en très peu de temps, certes, mais moitié vivante, pensante et respectable tout de même. Prenez en soin !

    Aparté :
    Le monde changera le jour où chacun sera en mesure de se dire « si l’autre a raison, ça n’implique pas forcément que j’ai tort ». Nous sommes pollués/possédés par le postulat scientifique du tiers exclu, celui qui dit qu’à une question il ne peut y avoir qu’une réponse parmi deux : vrai ou faux. En pensée scientifique, une porte est ouverte ou fermée et c’est bien. Par contre, en métaphysique ou en pensée de tous les jours, une porte peut être ouverte et fermée en même temps sans qu’il y ait nécessairement contradiction : une porte mal fermée, entre-ouverte ou laissée contre est effectivement à la fois ouverte et fermée selon des points de vue conciliables. Mystérieusement, cette évidence semble avoir disparu de tous nos débats.

    Alors, je vous dis : étudiez vraiment le Gender (par exemple ce livre introduction : http://www.amazon.fr/Sexe-genre-sexualit%C3%A9s-Elsa-Dorlin/dp/2130558895), voyez ce qu’il apportait en son temps, voyez d’où il parlait. Acceptez-le et faites le vôtre, le temps de la réflexion. Vous verrez alors quelles fortunes sont siennes et quels débordements, à commencer par la sempiternelle erreur méthodologique de pensée binaire que j’ai décrit avant, poussée jusqu’à l’irréversible folie, le nihilisme du « j’ai raison, donc ce que vous dites n’existe pas », qui a pour effet d’opposer férocement un féminisme à un autre féminisme, la même erreur qui a rendu les tenantes du Gender si faciles à manœuvrer par quelques sucettes et décorations, pacotilles qui ont « prouvé finalement » qu’elles avaient raison.
    Je vous dis : opposez Essentialisme (cité une fois dans vos textes, comme un rejet) à Constructionnisme (jamais cité), c’est bien plus consistant que d’opposer Care (qui est un essentialisme) à Gender (qui est un constructionnisme). Reconnaissez ce que votre posture a d’essentialiste. Incorporez les deux extrêmes dans une seule et même réalité, un seul continuum. Œuvrez ainsi selon le paradigme qui vient, en montrant qu’être femme ou homme est une question à la fois d’inné et d’acquis, que le corps et l’esprit sont, ici comme ailleurs, indissociables.
    Si vous ne faites pas cette réconciliation en vous, personne ne la fera, ni à côté ni en face. Si vous ne faites pas cette réconciliation en vous, vous vous radicaliserez et deviendrez encore un autre mouvement polémique et manipulable.
    J’ajoute pour la clarté que le problème qui est posé ici doit être déblayé des affects millénaires de la supériorité masculine exclusiviste qui ont abouti entre autre à la Théorie du Genre et à son déni de l’Essentialisme comme outil du machisme et qu’il doit être aussi déblayé des manipulations faussaires du système (ONU) qui a placé cette théorie en référence, amplifiant et verrouillant une situation déjà fort confuse pour la première raison.

  13. 30
    Martin

    Après avoir lu votre article et les commentaires qui s’ensuivent, je ne peux que m’interroger sur cette opposition farouche entre le discours des Antigones et celui de leurs détracteurs. Car enfin, pour moi il existent des vérités dans ces deux postures, qui pourraient être conciliables.

    Il est évident que la culture, la société, l’acquis (versus inné) a un influence sur le rôle attribué à la femme et sur son image. On le voit bien lorsqu’on compare la condition féminine en France par rapport à celle de l’Arabie Saoudite par exemple. On ne peut nier que la culture conditionne en partie la condition féminine et masculine. Et que lorsque la culture malmène cette condition féminine il est de notre devoir de femme lire de la dénoncer.
    Pour autant, cela ne veut pas dire que nous devons renier nos vocations propres d’homme ou de femme. Bien sûr qu’homme et femme sont différents (mais égaux) et qu’ils ont chacun leurs particularités qui apportent au monde, c’est tout le sens de la parité, qui est nécessaire. Si nous sommes interchangeables alors pourquoi se battre pou la parité?

    La femme (et l’homme) ne peuvent être réduits à leur biologie et pourtant cette physiologie a des conséquences sur leur rapport au monde. La femme peut porter la vie en elle, cela ne veut pas dire qu’elle doive nécessairement le faire, mais cela implique que dès l’origine c’est elle qui a la responsabilité d’une autre vie que la sienne. On ne peut ignorer que ce potentiel de la femme puisse avoir une influence sur le regard qu’elle porte à l’autre et au monde.

    Enfin pourquoi rentrer en opposition sur des questions périphériques, alors que l’essentiel est là: oui la femme est différente de l’homme mais pas moins capable que lui. Oui elle apporte quelque chose de différent au monde et à la société cela ne la rend pas mois égale que son pendant masculin. La femme peut porter la vie (ou pas), cela ne doit pas l’empêcher d’être chef d’entreprise si elle en a la capacité et l’envie.

    Chère Aurélie, j’ai toujours été considéré comme « un garçon manqué » (drôle d’expression d’ailleurs), et ai toujours revendiqué le droit d’être femme avec des « goûts » habituellement portés par les hommes. Pour autant je me sens pleinement femme, différente de l’homme, consciente de ma spécificité de femme, et heureuse de la faire valoir dans le cadre familial comme dans le cadre professionnel ou dans la société.
    Lorsque l’on travaille dans une entreprise où la parité est respectée, on se rend compte que, à même poste et même compétences, hommes et femmes apportent des choses différentes à l’entreprise, et oui, j’ose le dire, complémentaires, et l’entreprise ne s’en porte que mieux. Il en est de même dans tous les autres domaines.
    Pourquoi avoir peur de ce mot « complémentaires »?
    Trop de féministes ont cru que leur combat devait être celui-ci « devenir des hommes comme les autres » alors que moi je me bats pour que les femmes soient pleinement présentes dans la société, dans leur spécificité de femme, qui n’est pas moins ou pas plus riche que la spécificité de l’homme.

    Bref différents mais complémentaires, en partie tributaires de notre physiologie mais égaux, homme et femmes ne retrouveront l’harmonie que lorsqu’ils accepterons que leurs différences sont des richesses nécessaires à l’établissement de sociétés plus justes et plus humaines au lieu de vouloir s’uniformiser dans un no-sexe (ou no-genre)stérile ou une compétition puérile.

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