Famille et politique : que faire ?

Un article d’Anne Trewby publié dans l’ouvrage collectif d’Academia Christiana Programme politique pour une génération dans l’orage, ed. La Nouvelle Librairie.

La famille est la grande perdante des choix économiques, politiques et anthropologiques de ces cinquante dernières années. Si sa dissolution progressive est ancrée dans une longue histoire philosophique et politique, c’est désormais à travers des mesures politiques coercitives que s’organise sa destruction. Si nous ne voulons pas devenir autant d’atomes isolés face à un Etat totalisant, nous devons faire de la famille une priorité politique.

Un état des lieux inquiétant

La famille n’est plus ni intellectuellement ni juridiquement une communauté de biens et de personnes mais une association potentiellement temporaire de deux individualités en vue de leur bien-être. A ce titre les portes de sortie doivent rester ouvertes (valorisation du concubinage à travers le PACS, facilitation du divorce, disparition de la présomption de paternité et de la notion de « bon père de famille »…) ; et les membres du couple doivent rester des individualités distinctes aux destins différenciés (individualisation de l’impôt, disparition de la notion de foyer fiscal…). Cette entité composite et éphémère qu’est devenue la famille moderne est privée de tout repère (mobilité géographique croissante, modèle économique de la « carrière », coût exorbitant de l’héritage, préemption de la transmission par l’Education Nationale…), et est invitée à déléguer ses fonctions traditionnelles à l’Etat (interdiction de l’instruction en famille, contrôle des écoles, obligation de partage des congés parentaux…).

Notre vision : la famille comme base de la société

Notre objectif n’est pas une simple augmentation mathématique et aveugle de la natalité française comme l’ont permis en Russie les mesures financières de soutien aux naissances. Nous voulons que la famille redevienne, comme c’est son rôle naturel, la cellule de base de la société. Son fondement et sa stabilité. C’est pourquoi nous insistons sur la question du mariage et des rôles symboliques de chaque membre de la famille. Ils sont des repères au sein de l’écosystème familial pour ses membres, et pour tous au sein de la communauté nationale, quelle que soit l’état de vie de chacun.

Des propositions concrètes

Primauté du mariage

La famille est la cellule prépolitique de base de la société, tout simplement parce qu’elle est la condition sine qua non de son existence et de sa perpétuation. D’abord parce qu’elle offre un cadre à la fécondité naturelle du couple homme-femme et représente historiquement et politiquement la meilleure protection en droit de chacun de ses membres. Ensuite parce que la famille est le lieu des premiers apprentissages et notamment de la sociabilité. Il est le premier repère des enfants pour comprendre le monde et y trouver leur place.  Elle n’est pas nécessairement le lieu de l’épanouissement personnel : elle est une donnée du réel, tout simplement. Sa préservation ne relève pas d’une idéalisation mais au contraire d’une nécessité politique objective. 

La priorité de toute politique familiale cohérente doit donc nécessairement être le mariage. Toutes les autres formes d’association que représentent le PACS ou le mariage homosexuel doivent être exposés pour ce qu’ils sont : des formes de contractualisation d’un lien amoureux qui relèvent de l’ordre privé et ne concernent en aucun cas le politique. La liberté des choix de vie de chacun est certes une évidence, mais ces choix différents ne peuvent en aucun cas être revêtus de la même dignité et assortis des mêmes avantages que le mariage. Le divorce doit redevenir une exception malheureuse justifiée par une situation exceptionnelle. Sa promulgation ne doit pouvoir se faire qu’au terme d’un parcours qui laisse le temps de la réflexion et la possibilité au couple d’avoir recours à des alternatives pour se reconstruire.

Exit les procédures de divorce accélérées sous couvert des exactions commises par quelques-uns : une déclaration de séparation en vue d’un divorce devra permettre de protéger celles et ceux dont la sécurité est menacée par l’un des membres du couple en attendant  la fin de la procédure. Tout manquement, toute violence ou maltraitance quelconque au sein du couple, et de la famille, doit être assorti de peines extrêmement sévères visant à punir autant l’atteinte à la personne, que la rupture de la confiance totale que suppose l’engagement et le serment donné, et la fragilisation de l’institution du mariage aux yeux du reste de la société. Nous voulons une société d’hommes et de femmes d’honneur.

Cette primauté donnée au mariage a également vocation à exprimer concrètement une générosité particulière de l’Etat envers ceux qui adoptent cet état de vie. Le conditionnement de certaines aides matérielles de l’Etat au mariage permet de garantir que notre politique familiale soit au bénéfice non seulement de la natalité, mais également d’une revalorisation de la famille traditionnelle. Cette différence dans l’octroi des aides est certainement ce qui a fait le succès de la politique familiale hongroise au regard de ses objectifs par rapport notamment à la politique d’aides russe qui s’est accompagné, malgré un regain de natalité, d’une poursuite du déclin des modèles familiaux traditionnels.

Liberté et responsabilité parentale

La priorité du politique à l’égard des familles doit être d’assurer leur stabilité sur le long terme, leur sécurité matérielle, et de préserver pleine et entière leur liberté pour assurer un réel exercice des responsabilités de chacun de ses membres. Les choix de vie et d’éducation de chaque famille sont à la discrétion de chacun. Cette liberté est la condition sine qua non d’un juste exercice de l’autorité parentale. Concrètement, l’Etat doit préserver à tout prix la liberté de choix des familles dans tous les domaines (répartition des tâches ménagères au sein du couple, grossesse, accouchement,  méthodes éducatives…), et surtout éducatif : liberté vaccinale, maintien de la possibilité de l’instruction en famille et des écoles hors contrat, chèque scolaire…

Les congés parentaux doivent pouvoir être pris indifféremment par la mère et le père. Ils bénéficieraient d’être mieux rémunérés sans que ce coût pèse sur les entreprises : c’est au politique de soutenir ceux qui assurent sa pérennité. Le congé grand-parental créé par le gouvernement hongrois serait par ailleurs un acquis nouveau susceptible concrètement de bénéficier aux familles à double emploi tout en favorisant l’entraide intergénérationnelle et des repères stables pour l’enfant. Sur le plan symbolique, une telle mesure aurait également l’avantage non négligeable de rappeler que la famille s’inscrit dans un écosystème communautaire et intergénérationnel qui la dépasse et de favoriser des solidarités naturelles durement attaquées par nos modes de vie contemporains.

Des solutions doivent également être proposées aux familles qui ne sont pas sous régime salarial : l’accès à des aides pour les tâches ménagères et le soin des enfants permettraientd’alléger la charge des professions libérales et des indépendants qui ne peuvent se permettre de prendre ces congés.

De même, l’octroi d’un statut spécifique de « parent au foyer »à ceux – très majoritairement celles – qui souhaitent se consacrer entièrement à leurs enfants, que la décision soit temporaire ou définitive, est indispensable, tant en termes matériels que symboliques. Un statut spécifique assorti d’abattements d’impôts et de la garantie d’une retraite digne est un geste minime et non négociable. Ici aussi la générosité du système hongrois envers les familles apparaît exemplaire : à partir de leur 4e enfant, les mères sont exemptées à vie de l’impôt. Le piège du salaire « maternel » associant un prix au don de soi, et la parentalité à un service d’Etat, est quant à lui à éviter à tout prix.

Sécurité matérielle et unité des familles

Cette liberté de choix dans l’exercice de l’autorité parentale doit être consolidée par l’assurance d’une sécurité matérielle réelle pour les familles. Que de naissances différées, de deuils d’un nouvel enfant, que d’avortements sont dus à la difficulté des familles de survivre dans une société où prime le modèle du salariat et du foyer à double salaire. Des aides spécifiques doivent être prévues pour pallier les difficultés permanentes ou temporaires d’un foyer à faible revenu. Les allocations familiales, par contre, doivent comme elles l’étaient à leur création, redevenir un dû de tous les foyers français quelle que soit leur situation. Elles sont la marque du soutien d’un Etat qui reconnaît dans les familles et leurs enfants son avenir. Conditionner les allocations familiales au revenu est une aberration politique. C’est à l’appartenance nationale seule qu’elles peuvent être conditionnées.

Ce minimum de soutien aux familles quelles qu’elles soient étant assuré, certaines aides supplémentaires pourraient bénéficier aux familles dont les parents sont mariés. Le modèle hongrois d’aides financières et matérielles aux familles est ici un modèle efficace à reprendre et adapter. Des prêts conséquents sont accordés sans garanties aux couples qui se marient pour garantir leur installation dans les meilleures conditions. A  l’arrivée du premier enfant, les remboursements sont suspendus pour trois ans et pour trois nouvelles années à la naissance du deuxième enfant avec effacement d’un tiers du capital. Au troisième enfant, le capital restant dû est effacé. En cas d’absence d’enfants, le remboursement du prêt est exigé dans sa totalité et dans des délais brefs. Outre cette aide purement financière, l’état accorde à ces familles des prêts spécifiques pour les soutenir dans leur accès au logement et une aide à l’achat d’une automobile 7 places pour les familles nombreuses. Nous proposons que de la même façon l’Etat français assure la sécurité matérielle de ses enfants à travers des aides matérielles concrètes sur des postes de dépense (logement, transport) extrêmement lourds pour les familles. La possibilité d’accueillir de nouveaux enfants pour un couple doit rester un choix libre et cette liberté ne peut être garantie qu’à travers une sécurité matérielle réelle.

La sanctuarisation du dimanche chômé, et un droit du travail protecteur devra rappeler la primauté de la famille et de la personne humaine sur les intérêts marchands et financiers: les enfants ont besoin de la présence de leurs deux parents pour se construire, et la famille de moments de qualité fréquents passés ensemble pour entretenir son unité.

La question des cas limites

Nous voulons une politique réaliste pour lutter contre le drame de l’avortement. Une simple interdiction n’est pas une réponse suffisante : il deviendra clandestin, ou les femmes se tourneront vers les pays limitrophes qui l’autorisent. Il s’agit de donner aux hommes et aux femmes les moyens d’éviter une grossesse non désirée par le choix de comportements sexuels responsables, par la politique familiale précitée et l’allocation rapide de ressources d’urgence en cas de grossesse non désirée. 

En parallèle de la lutte contre l’avortement de masse, nous voulons un vaste programme pour lutter contre l’infertilité croissante de notre population afin de redonner leur autonomie reproductive aux couple aujourd’hui livrés à un marché de la procréation qui ne respecte par leur intimité ni leur douleur. 

Les naissances hors mariage et les foyers monoparentaux et recomposés, avec le nombre croissant de situation d’isolement et de misère économique et sociale, sont de plus en plus nombreux. Pour ces familles en difficulté, nous voulons des aides financières concrètes. Les mesures précitées devront permettre d’endiguer ce phénomène. La sanctuarisation de la famille à travers des mesures symbolique favorisant l’unité des membres du foyer sera quant à elle à même d’éviter un certain nombre de ces situations malheureuses.

Anne Trewby, présidente du mouvement Antigones

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