Les chroniques des Antigones – L’épilation féminine, un vrai débat ? – Anne Trewby

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Nous avons découvert ces dernières années un nouveau courant féministe, le « body positive », à travers des campagnes médiatiques et virales. Ce sont ces militantes féministes qui proposent régulièrement aux femmes de poster en ligne des photos de leurs bourrelets, de leur cellulite ou encore de leurs poils. L’objectif affiché, c’est de se libérer des carcans de la société patriarcale. L’affaire n’est pas sans conséquence puisque ce sont désormais les média grand public qui s’y mettent : en juin dernier, Telerama affichait en une une femme aux jambes excessivement poilues. Des images qui choquent, évidemment. Alors, puritanisme ou bon sens ? Les poils des femmes, faudrait-il les épiler, les cacher, ou les exhiber ?

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet. Concentrons-nous ici sur quelques arguments susceptibles de relever un peu le débat et de nous permettre de trouver une position de bon sens, qui refuse l’exhibition des femmes tout en respectant la réalité de leur corps

La première chose, c’est de souligner l’attitude infantile et naïve des féministes qui défendent ce courant de pensée. Evidemment, c’est tout à fait justifié de prendre du recul et éventuellement de critique les normes esthétiques d’une société.  Par contre, c’est irréaliste et puérile d’espérer une société qui n’en n’ai aucune. Une société sans normes et sans canons esthétiques, c’est est tout simplement une société sans repères, c’est à dire une société à la dérive. C’est d’ailleurs ce qui est en passe de nous arriver avec la multiplication des idéologies déconstructivistes qui cherchent à nous priver de tous nos repères historiques, de nos enracinements géographiques, de nos habitudes de vie en société, et j’en passe et des meilleures…

Alors pourquoi ces campagnes ont-elles tant de succès ? Parce que les femmes subissent en effet des injonctions esthétiques extrêmement enfermantes, véhiculées par les média notamment. Nous avons bien souligné que chaque société produit ses normes et ses canons esthétiques propres – tant mieux, c’est une des choses qui permet d’assurer une culture commune et de se différencier des autres sociétés. Ces normes sont le reflet d’une culture commune, de valeurs et d’idéaux.  C’est là où le bats blesse avec les codes esthétiques du moment. Non seulement ils ne véhiculent ni valeur ni idéal, mais en plus, ils sont à y regarder de plus près franchement irréalistes et malsains.

Il serait effectivement sain de questionner un certain nombre des normes esthétiques modernes qui pèsent sur les corps des femmes, mais aussi dans une certaine mesure, des hommes. Ces normes esthétiques sont celles d’une société qui a érigé le capitalisme en modèle de société. Elles nous sont dictées non plus par une quelconque autorité morale ou politique, mais par des comme la pub, la mode ou encore le porno, qui prospèrent sur nos manques. La femme idéale de la société capitaliste est au choix une adolescente attardée, ou une Barbie pulpleuse – les deux évidemment en quête de leur propre plaisir et vendues comme des steaks comme pourvoyeuses de plaisir.

Il y a donc bien des choses à dire sur les normes en vigueur effectivement. Mais les féministes body positive le disent-elles correctement ? Il nous semble à nous que non. Elles tombent au contraire dans le ridicule inverse d’exalter tout ce qui ne serait pas dans la norme dans une sorte d’esprit de contradiction systématique. Les bourrelets c’est beau, la cellulite c’est beau, les femmes sont belles avec leurs poils, avec leurs laideurs. Et bien non.

Exalter et montrer en exemple des corps difformes, en mauvaise santé ou objectivement laids sous prétexte que c’est « la vraie vie » c’est au mieux inopérant, au pire mensonger. Inopérant parce que lorsqu’un œil extérieur voit ces corps avec leurs défauts étalés sur écran ou sur papier glacé, il n’en voit plus qu’un extrait irréaliste qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec le charme réel de la femme à qui appartient ces morceaux de corps. Si une femme peut être belle, si elle peut plaire alors même qu’elle sort des canons esthétiques du moment, c’est justement parce qu’elle n’est pas qu’un corps, mais aussi un esprit et une âme qui lui donnent un charme, un rayonnement au-delà de ses défauts corporels réels ou supposés. Finalement, à montrer des petits bouts de corps disgracieux, ces campagnes finissent par obtenir le résultat inverse de ce qu’elles souhaitent : le public rejette en masse tous ces défauts pour exalter à l’inverse les dictats esthétiques du moment.

Par ailleurs, ce choix de « tout montrer » des défauts des femmes contribuent à une réaction épidermique du grand public. Oui, les femmes ont des poils, et l’épilation n’a rien d’une obligation. Pour autant, le poil est associé dans l’imaginaire occidental à l’intimité, et c’est aussi en cela qu’il choque. Ce n’est pas seulement pour une affaire de canons esthétiques. Le poil, et notamment le poil féminin, qui couvre des zones plus limitées que le corps masculin, est associé à la vulnérabilité des parties du corps qu’il protège (aisselles, pubis). Rappelons quand même que jusqu’à très  récemment, les jambes des femmes elles aussi étaient couvertes dans l’espace public et associée à l’intimité de chacune. Forcément, avec une histoire et un imaginaire pareil, entrevoir un poil, c’est dans l’imaginaire collectif occidental, entrevoir l’intimité d’un corps. C’est une forme de nudité. Il est donc doublement légitime d’être choqué par l’exhibition des poils des femmes dans l’espace public. Parce que nous avons l’habitude des corps épilés, et parce qu’ils relèvent de l’intimité.

Ici, les féministes parlerons sans doute de la nécessité de briser le tabou de l’intimité, notamment parce que ces dictats, les femmes les subissent jusque dans l’intimité. C’est effectivement un des résultats pervers de l’emprise mentale qu’ont pris des industries comme la pub et le porno sur nos esprits. Il existe en effet des hommes qui ne supportent plus un poil sur le corps de leur compagne, qui sont dégoûtés de voir la moindre repousse poindre le bout de son nez. Or, soyons clairs, dans la vraie vie, les femmes ont des poils.

Ce type de comportement relève à la fois d’une intoxication mentale par ces codes esthétiques irréalistes dictés par la mode, la pub et le porno, mais aussi d’une déconnexion avec la réalité vécue de la vie des femmes qui elle aussi est inquiétante. Le corps des femmes ne cesse de changer en fonction des âges, des cycles, des maternités, de l’usure du temps, de façon bien plus violente et spectaculaire que ne le font ceux des hommes. L’oublier, c’est oublier que nous ne sommes pas que de purs esprits mais aussi des corps, des corps bien réels qui font partie intégrante de qui nous sommes et que nous ne pouvons pas façonner et modeler à l’envie en fonction de nos désirs.

Au vu de cet état des lieux, militer pour la visibilité du poil féminin, pourquoi pas – mais alors dans des contextes appropriés. En une d’une revue grand public ou sur nos fils Instagram, libre à chacun de s’afficher, après tout, nous ne sommes pas de la police des mœurs, mais que les auteurs de ces images ne s’étonnent pas hypocritement de créer la polémique. Dans des espaces qui ont vocation à montrer l’intimité du corps par contre, les poils auraient toute leur place. On peut citer en vrac les représentations informatives et médicales, l’érotisme, ou encore tout simplement tous les contenus qui sont censés être le reflet de la « vraie vie ». Il est légitime d’être choqué par une femme qui affiche ostensiblement ses jambes poilues comme une bannière, il est inquiétant d’être choqué par un poil de travers qui aurait eu le malheur de dépasser d’un tee-shirt.

En bref, que faire ? D’abord, cessons de parler de « beauté » à tout va, dès qu’un corps féminin un tant soit peu réaliste est exhibé comme un étendard. Les femmes sont plus que leurs corps, que ceux-ci correspondent aux critères esthétiques en vigueur, ou pas. Reconnectons, pour le coup, avec la beauté réelle des femmes, qui émane de tout leur être et pas seulement de ces corps qu’on nous présente comme des steaks, morceaux par morceaux, que ce soit avec ou sans bourrelets, avec ou sans poils. Cessons de nous laisser dicter nos désirs et nos références esthétiques par des industries qui ne cherchent qu’à entretenir nos manques et nous pousser à la consommation.  Cessons de fantasmer une société sans norme pour nous concentrer sur la promotion d’idéaux esthétiques sains et inspirants.

Mesdames, chacune là où nous sommes, avec nos corps bien réels et bien pesants, cherchons plutôt qu’à soi-disant assumer le moindre de nos défauts physiques tout simplement à rayonner de tout notre être au quotidien, à travers notre joie, notre charme, notre élégance tout autant qu’à travers notre beauté objective.

Et messieurs, plutôt que de vous faire les censeurs du moindre bourrelet ou poil qui dépasse, allez admirer, saluer et promouvoir la beauté féminine là où elle est : à vos côtés, dans la figure de vos mères, de vos épouses, de vos sœurs et de vos filles, qui ont besoin de voir l’amour et l’admiration dans vos regards pour assumer pleinement cette féminité toute en nuances et en profondeur dont la société contemporaine veut la peau.

 

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