Christine de Pisan, portrait d’une femme de lettres

Christine de Pisan est considérée comme la première femme française écrivain. Elle est éprise de savoir et compose une œuvre riche et diverse qui comprend des poèmes, des manuels d’éducation, des épîtres destinés aux régnants (roi et reines de France, d’Allemagne) et des traités de politique et de philosophie. Elle est aussi soucieuse de la place et du rôle de la femme dans la société. Sa réputation s’étend de son vivant en France et à l’étranger.

 

SON ENFANCE

Née à Venise en Italie en 1364, Christine est l’aînée d’une fratrie de 3 enfants. Son père, Tomazzo est un savant médecin et astrologue, élève puis professeur à l’Université de Bologne. Sa réputation le conduit d’abord à Venise, où il se marie. Quelques années après le roi Charles V l’invite à la cour à Paris avec toute sa famille pour devenir son médecin et « astronomien » (astrologue). Christine a alors 4 ans.

 

UNE PASSION POUR LA SCIENCE ET LA LITTERATURE

Christine vit donc dès l’enfance dans les cercles du pouvoir. Son goût pour le savoir se révèle aussi très tôt et est encouragé par son père. Elle écrira ainsi à propos de la science : « plus la désire que rien terrestre ». Son enfance est heureuse, Christine le confirme dans ses écrits.

En 1379, à quinze ans, elle se marie avec Etienne Castel, « jouvencel bel et plaisant, sage et courtois sachant sagement mener sa nef » tel qu’elle-même en brosse le portrait. Il est un des quatre secrétaires du roi. Ce mariage est heureux et trois enfants naissent de cette union.

Malheureusement Etienne meurt en 1389 victime d’une épidémie. Christine se retrouve alors jeune veuve avec la charge de six personnes : ses 3 enfants, sa mère et ses 2 frères.

Ce malheur l’atteint durement au moral et financièrement mais elle fait face courageusement. Elle ne se remariera pas mais découvre rapidement que son don littéraire lui permet d’obtenir des revenus en écrivant des poésies. Elle en compose une centaine. Cependant sa soif de savoir ne la quitte pas et elle poursuit par elle-même ses études : histoire, philosophie, science. Elle a accès à la bibliothèque paternelle mais aussi royale, fondée par le même roi Charles V.

 

Christine_de_Pisan_-_cathedraL’ OEUVRE LITTERAIRE ET INFLUENCE POLITIQUE

La réputation de Christine s’étend rapidement dans les années qui suivent en France puis auprès d’Isabeau de Bavière et en Angleterre grâce au comte de Salisbury. Ses poèmes sont alors traduits en anglais et son fils aîné Jean du Castel restera d’ailleurs trois ans auprès du comte. Elle compose alors deux épîtres d’éducation à son intention.

A partir de 1400 Christine commence à rédiger des épîtres et livres destinés principalement au roi, à la reine et aux princes. Ainsi son Livre des faits et bonnes mœurs du Sage Roi Charles V qui est une biographie mais aussi une réflexion sur le bon gouvernement.

Elle écrit aussi des œuvres à son initiative (et non de commande). Elles témoignent d’une volonté politique dont elle peut escompter l’efficacité de par la proximité avec les gens de cour qu’elle a su conserver après le décès de son mari. Elle écrit par exemple une épître à la reine Isabeau de Bavière afin qu’elle intervienne pour empêcher l’affrontement entre les partisans de Louis d’Orléans et de son neveu Jean sans Peur. Cette action contribue certainement à la paix qui est conclue le 16 octobre 1405 entre les deux princes.

Cependant les temps sont à la guerre et les hostilités entre Angleterre et la France reprennent dans les années qui suivent. Christine décide de se retirer dans un couvent à Poissy.

Entre 1402 et 1413, Christine produit une œuvre prolifique dans les domaines de la morale et de la politique : le Livre du corps de policie, le Livre de Paix, le chemin de longue étude, le Livre de la Prodhommie de l’homme et le Livre des faits d’armes et de chevalerie.

Une autre œuvre, l’Advision de Christine est consacrée à une critique de l’opinion publique. Cette œuvre méconnue a été redécouverte récemment avec sa traduction en français moderne en 2006. Elle y développe une réflexion sur l’ignorance qui produit « souvent faux jugements » dont les effets sont dévastateurs à tous les niveaux de la société. Cette œuvre comprend aussi une partie plus philosophique reprenant de nombreuses citations de Saint Augustin et autobiographique

Christine publiera une dernière œuvre durant les dix dernières années de sa vie alors qu’elle est au couvent, le « Ditié de Johanne d’Arc » dédié à l’action extraordinaire de Jeanne d’Arc qui lui redonne de baume au cœur « Moi, Christine, qui ait pleuré onze ans en abbaye close (…) ore à prime me prends à rire… ». A travers cette œuvre militante, Christine cherche à diffuser au plus grand nombre le récits des faits extraordinaires de la Pucelle. Il faut noter qu’elle mourra avant de connaître sa victoire à Orléans, le sacre de Reims ni son procès.

LE ROLE ET LE STATUT DES FEMMES

A travers son œuvre , Christine développe une vision féministe avant l’heure sur la condition de la femme dans la société notamment dans deux ouvrages : « le livre de la cité des Dames » et le « livre des trois vertus » qu’elle dédicace ainsi « œuvrer pour le bien et l’honneur de toutes les femmes, qu’elles soient de rang élevé, moyen ou inférieur ».

Le premier livre est un éloge des femmes célèbres contemporaines et de l’antiquité et le second est destiné aux femmes de toutes conditions : princesses, femmes de cour, jeunes filles, veuves, servantes et mêmes femmes de « mauvaises vie ».

Dans ses poèmes, elle plaide la cause des femmes comme par exemple ce conseil adressés aux hommes :

« Ne sois déceveur de femmes
Honore-les, ne les diffame.
Contente-toi d’en aimer une
Et ne prends querelle à aucune »
.

Christine intervient également dans le débat public dit de la querelle de la Rose à propos de l’interprétation du Roman de la Rose. Elle s’attaque surtout à la seconde partie de ce roman qui est un ajout rédigé par Jean de Meun plusieurs décennies après l’original de Guillaume de Lorris. Christine considère qu’il s’agit là d’un long procès contre les femmes. « Qu’il ne me soit imputé comme folie, arrogance ou présomption d’oser, moi, femme, reprendre et contredire un auteur si subtil, quand lui, seul homme, osa entreprendre de diffamer et blâmer tout un sexe »

Des universitaires prennent la défense du livre mais il faut noter que Christine obtient le soutien de Jean Gerson, théologien qui a été chancelier de l’Université.

Dans le Ditié, sa dernière œuvre, son féminisme apparaît à propos de Jeanne d’Arc : « Eh ! quel honneur pour le sexe féminin, Il est évident que Dieu l’aime » et « tout le royaume maintenant recouvré et sauvé par une femme ».

Eric, sympathisant des Antigones

 

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