Ni pilule, ni tradwife, femme tout simplement !

Un article d’Anne Trewby et Iseul Turan publié en mai 2023 dans les pages L’Incorrect de Valeurs Actuelles. Il est disponible aux abonnés sur le site de Valeurs Actuelles.

Photo © JIRAPONG MANUSTRONG / GETTY IMAGES / ISTOCKPHOTO

Le féminisme revient sur la scène médiatique avec l’ouvrage de Patrick Buisson, Décadanse, et les prises de positions de militantes comme Marguerite Stern ou Dora Moutot. Il devient clair que l’épopée de la libération des femmes va dans le mur. Elle apparaît effectivement de plus en plus comme une nouvelle phase de l’aliénation des femmes. Comment en sommes-nous arrivés là, et quelles alternatives envisager ?

Des voix dissonantes s’élèvent jusque dans les rangs des féministes pour dénoncer les effets délétères de la pilule, ou les dangers la GPA ou les opérations de changement de sexe, mais le présupposé sous-jacent reste le même : si elles veulent une vie pleine et entière, les femmes doivent la mener strictement et exactement comme les hommes. Le débat ne porte que sur les moyens, la finalité étant nécessairement cette sacro-sainte égalité transformée en stricte équivalence de chaque moment de vie.

L’autre présupposé qui sous-tend ces acquis féministes, c’est que nos corps ne sont qu’un matériau que nous serions en droit de façonner selon notre bon vouloir, et surtout dont nous aurions le devoir de corriger les manques. Ce mépris du corps n’est pas le propre des féministes. Elle est le fil rouge de la recherche scientifique et de la médecine moderne – qui a pris le virage transhumaniste, en la personne de Facebook, Google, ou encore de ces savants qui pensent un jour vaincre la mort.

N’avons-nous pas tous pris cette habitude de remettre nos corps en permanence sous le regard et la surveillance de cohortes d’experts ? La puberté implique désormais pour l’écrasante majorité des jeunes filles le rite de passage du rendez-vous chez le gynécologue et cette croyance qu’il impose aux femmes : mon corps nécessite d’être surveillé par un expert, car il peut à tout moment me trahir – sinon pourquoi ces bilans, ces dépistages, ces campagnes de prévention ? Quelques années plus tard, la grossesse de cette femme sera, du premier « test pipi » à la dernière injection en vogue prévue par le protocole hospitalier, une suite d’actes médicaux plus ou moins invasifs. Ses post-partum seront l’occasion de lui vendre le nouveau stérilet à la mode. Sa ménopause sera sous contrôle d’une plaquette de pilules.

Cette mise sous tutelle du corps des femmes par la technique et son consortium d’experts a sa face sombre : tampons imbibés de pesticides, ocytocine de synthèse qui favorise les hémorragies de la délivrance, pilule anti-acné à l’origine de thromboses, malformations dues à la prise de médicaments durant la grossesse, augmentation du taux d’avortements… le malaise s’installe. Et tant que ce paradigme qui nous a mené tout droit dans le mur restera le même, nous ne ferons qu’avancer dans le malheur. Quelles solutions les défenseurs de la technique nous proposent-ils ? De nouvelles techniques. PMA, GPA, utérus artificiel, vasectomie, ligature des trompes….

C’est notre autonomie de femmes et d’hommes que nous devons de toute urgence reconquérir face à l’emprise de la technique et des experts. L’enjeu n’est pas de rêver d’un « avant » idéal sans pilule dans lequel la maternité serait nécessairement joyeuse – c’est le piège de la « tradwife ». Cette caricature de femme au foyer des années 1950 qui fleurit depuis quelques années sur les réseaux sociaux n’est que le revers de la même médaille.  C’est parce que cette tradwife n’envisage sa maternité que comme un travail qu’elle doit à la société et à son mari que les partisans de la GPA peuvent aujourd’hui parler de « travail reproducteur ». Et c’est parce que ces femmes des années 1950 voyaient dans la technique leur espoir et leur salut que leur dépendance au grand marché de la consommation n’a fait que croître.

Nous ne faisons là que suivre une pente amorcée depuis bien longtemps déjà. Pierre Bergé pouvait légitimement se demander quelle était la différence entre louer les bras d’un ouvrier et l’utérus d’une femme : depuis l’industrialisation et l’avènement de la société capitaliste, il n’y a plus entre les deux qu’une différence de degré. C’est la mise sur le marché des femmes – en tant que salariées d’une part, et en tant que corps que la contraception et l’IVG permettent de « consommer » d’autre part – qui a permis le passage d’un capitalisme de première génération productif et paternaliste, à un capitalisme de séduction basé sur la consommation. Le stade actuel de passage à l’ère de la bioéconomie n’a rien d’un dévoiement. Il est la suite logique de ce que ces deux premières phases du capitalisme portaient déjà en germe.

Cette soumission des femmes à la technique et au marché est aussi celle des hommes. Si l’époux des années 1950 avait une apparence d’autorité, il n’en n’était pas moins privé de sa vie de famille et de son pouvoir politique réel de chef de famille par un travail qui ne lui laissait guère de répit. L’époux devenu « compagnon de vie » de la femme libérée est la conséquence directe de ce premier renoncement. L’absence totale de voix qu’a le père dans l’éducation de ses enfants n’est plus un problème de disponibilité, elle est une réalité légale.

Notre espoir réside à l’inverse dans le choix de retrouver entre les sexes un équilibre véritable, à travers la réaffirmation de la place de la famille comme premier échelon du politique. La famille doit redevenir le lieu d’exercice des responsabilités du père et de la mère. Nous ne pouvons plus nous contenter d’allocations ou d’avantages fiscaux ; nous avons besoin de reconquérir nos libertés publiques les plus fondamentales de toute urgence – et notamment éducatives : possibilité de l’instruction en famille, de l’accouchement à domicile, sollicitation du consentement explicite des parents à la distribution de médicaments, pilules, plaquettes d’informations en tout genre à leurs enfants, etc… Ces sujets ne sont pas de simples questions de mœurs ou de natalité ; ils sont au cœur du devenir politique de notre société.

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