Le féminicide, un concept à combattre

Une tribune d’Anne Trewby et Iseul Turan parue dans le numéro de juillet 2019 de Valeurs Actuelles, à retrouver en accès abonnés ici.

Début juillet, les articles sur le nombre effrayant de féminicides en France se sont multipliés. En cause, un « rassemblement contre les féminicides » organisé le 6 juillet à Paris, largement relayé dans les media. Les principaux mouvements féministes  s’étaient fendus d’une tribune dans Le Monde deux jours avant, et 150 sénateurs ont publié leur propre adresse au gouvernement la veille.

Le terme était déjà apparu dans des déclarations de Marlène Schiappa ou via des media pseudo-pédagogiques comme Brut ; il semble désormais en passe de s’imposer auprès du grand public. Or ce néologisme n’a aucune valeur ni juridique, ni scientifique, ni philosophique, il s’agit d’un concept idéologique. Il apparaît pour la première fois à la fin du XXe siècle sous la plume des sociologues et militantes féministes Diana E.H.Russel et Jill Radford. Il fait toujours l’objet de débats puisque selon les auteurs, on passe d’une définition limitée aux meurtres conjugaux à des définitions fourre-tout incluant avortement sélectifs, viols, insultes et autres crimes et délits mettant en cause une violence quelconque exercée par des hommes sur des femmes.

Le mot peut apparaitre séduisant dans la mesure où il existe effectivement des violences spécifiques perpétrées à l’égard des femmes, notamment physiques. Pourquoi ne pas les qualifier par un terme commun qui faciliterait leur prise en charge ?

En premier lieu parce le terme de féminicide mène à une subjectivité du droit inacceptable : ce n’est plus un acte qui est condamné, mais l’intention du coupable. Le féminicide chez la plupart des auteurs va de pair avec l’idée d’un continuum de violences allant de l’insulte sexiste au meurtre, aboutissant à mettre dans le même sac insulte, délit, crime, etc.

Adopter le terme de féminicide, c’est souscrire à une lecture systémique du monde dans laquelle les actes humains n’ont de sens qu’en fonction de l’existence d’un système d’oppression sous-jacent aux comportements individuels, et qui les oriente. Imposer le concept de féminicide, c’est pré-supposer d’une part qu’un homme qui insulte une femme est un meurtrier en puissance, et d’autre part que tout homme porte sur ses épaules le poids des péchés de l’intégralité de son sexe.

La notion de féminicide est dangereuse enfin parce que le terme relève d’une grille de lecture du monde que nous ne pouvons accepter. Pourquoi parle-t-on traditionnellement d’homicide pour qualifier le meurtre ? Parce qu’on estime qu’attenter à la vie d’autrui représente une menace pour l’ensemble de l’humanité au-delà de la différence des sexes. Créer une sous-catégorie différenciée pour le meurtre de femmes revient paradoxalement à les exclure de cette humanité partagée. Il s’agit finalement d’une essentialisation des sexes qui fige les hommes dans la position de persécuteurs et les femmes dans celle de victimes.

C’est seulement à la lumière d’une juste conception de la complémentarité des sexes que nous pourrons proposer des solutions adéquates au problème des violences faites aux femmes. A ce titre, nous avons déjà défendu dans ces pages le concept d’inégalités protectrices, c’est-à-dire des mesures juridiques spécifiques à des situations particulières, fondées sur des différences objectives. En d’autres termes, il s’agit de permettre au droit de reconnaître la différence des sexes là où elle comporte des conséquences objectives quant à la sécurité de l’un ou l’autre sexe.

 

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