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Ce mois-ci, le bricolage de l’école de vos petits, ce sera pour la fête des pères. Enfin, des pères… de ce qu’il en reste. L’homme moderne n’est jamais père socialement, civiquement. Il n’est père que parce que et si la mère le veut bien, s’il rentre dans le cadre d’un « projet parental », fantasme et objectif de vie désormais purement privé et égoïste.
La paternité moderne n’a pas de définition, elle est la place que donne à un homme sa compagne, parfois trop grande, parfois trop petite, parfois symbolique parfois dérisoire… C’est un rôle par défaut qui ne donne aucun droit.
Cette fête des pères résonne comme une ridicule mascarade, car s’il est bien vu de porter bébé en écharpe ou de biberonner pour soulager sa compagne, les pères se sont par ailleurs vu progressivement délester par l’Etat de tout ce qui faisait leur rôle social, leur poids symbolique, et finalement, leur raison d’être même. Ils n’ont plus le droit de choisir le mode éducatif de leurs enfants, l’éducation nationale et ses relais petite enfance s’en chargent. Ils n’ont plus le droit de choisir comment préserver et maintenir leur santé, la Sécurité Sociale à laquelle ils sont contraints de verser leur obole s’en charge. Ils n’ont plus le droit d’assurer la sécurité de leur famille, la police et les tribunaux s’en chargent – plus ou moins bien d’ailleurs. Ils n’ont même plus le droit de décider de quand et de comment faire ou ne pas faire un enfant, c’est une conversation privée entre leur partenaire sexuelle et un gynécologue. Bref il n’y a de père qu’a fête des pères pour faire marcher le commerce.
Si certains échappent au couperet à la force de leurs bras, il n’empêche qu’ils s’épuisent bien souvent à devoir constamment ramer à contre-courant.
Or comment espérer une société libre sans père debout ?
La paternité comme la maternité est une caractéristique commune à notre humanité : les hommes sont des pères en puissance comme les femmes sont des mères en puissance. Mais il y a une différence fondamentale dans la mise en acte de cette potentialité. La maternité est un état, elle se vit ; la paternité, elle, se choisit.
Tout enfant est « reconnu » ou non par un père, là où il nait d’une mère. Ce choix de la paternité se fait parfois au premier regard, parfois sur un lit de mort ; parfois par un père naturel, parfois par un père adoptif ou symbolique.
Dans tous les cas, cette reconnaissance change profondément le rôle social de l’homme qui en fait acte. Par cette décision, il entre, en termes symboliques, en relation constante avec le féminin en vue de la sécurité, de la santé, de la salubrité et de l’éducation de sa progéniture, c’est-à-dire qu’il prend sa place d’homme en tant que repère dans le monde. En relation avec le féminin, il entre aussi dans une relation avec le passé et l’avenir en tant que maillon d’une chaîne de transmission.
Il pose par cet acte, dans l’ordre naturel, la pierre angulaire de cette première cellule du politique qu’est la famille. De cette reconnaissance découlent donc en théorie des devoirs et des responsabilités nombreuses, pour le bon exercice desquels la société lui octroie ses libertés publiques et privées.
Refuser cette place sociale du père, c’est donc nécessairement s’attaquer à la famille ; c’est dissoudre la structure même du corps social pour la remplacer par un agrégat d’individus atomisés et sans liens. La disparition du père en tant que pierre angulaire de la famille, c’est la mort assurée du politique et de nos libertés.
Et c’est autant d’errements et de drames personnels pour des hommes laissés sans but et sans repère, depuis plusieurs générations déjà.
Ne cédons pas pour autant au fatalisme. Les hommes gardent en eux cette force, qui est Dieu merci bien plus qu’une puissance musculaire finalement bien relative ; qui est surtout dans toute sa profondeur la capacité à résister à l’adversité et aux épreuves en vue d’une juste cause.
Nous les femmes et nos enfants seront cette juste cause. Nous avons besoin de vous pour restaurer avec nous cet équilibre des sexes dont le monde a tant besoin. Qu’importe les modalités d’organisation familiale des uns et des autres, l’essentiel, c’est que chacun de nous renoue intimement avec les significations complexes de son rôle sexué. Celles-ci ne se définissent pas par des listes à la Prévert de choses permises ou défendues, mais par un rapport au monde différent, des potentialités différentes instinctivement présentes mais nécessitant d’être choisies par chacun à travers des paroles et des gestes conscients et volontaires.
Alors messieurs, que vous soyez déjà pères ou prêts à l’être un jour, quel que soit l’équilibre personnel que vous trouverez avec votre moitié, ne laissez jamais l’Etat décidez pour vous de ce qui doit relever d’une conversation avec la mère de vos enfants. Redonnez par votre exemplarité dans la société civile ses lettres de noblesse à la notion oubliée de « bon père de famille ». Et sachez que vous créez en assumant pleinement votre paternité dans toute sa profondeur symbolique bien plus qu’une famille : vous posez un acte fondateur pour nos libertés et notre renouveau politique.
Bonne fête à tous les papas !