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Une tribune d’Anne Trewby, présidente d’Antigones, parue sur le site internet de Valeurs Actuelles le 17 mai 2020, à retrouver ici.
La crise actuelle et les mesures qui ont été prises à son occasion, ont porté un coup fatal à la société française. Nous avons collectivement choisi la survie au détriment de la vie elle-même, et nous continuons de le faire en acceptant les mesures de déconfinement proposées. En acceptant sans mot dire des lois injustes, nous nous rangeons avec le tyran contre Antigone, dénonce Anne Trewby, présidente du mouvement féminin Les Antigones.
Les choix politiques et idéologiques de ces dernières décennies avaient déjà mis à mal l’unité du pays, le privant tour à tour de sa langue, de son histoire, de sa culture au profit d’un Gloubi-boulga mondialisé tout juste suffisant pour maintenir en apparence un semblant de vivre-ensemble. Le Covid-19 nous aura montré la vérité nue : la société française n’est plus qu’un agrégat d’individus isolés n’ayant plus en commun que la peur du virus et le mépris de l’Etat.
Gestes barrière, distanciation sociale, confinement… la novlangue a été au cœur de la gestion de crise du gouvernent. L’homme est un animal social disait Aristote, c’est-à-dire que notre vie en société, notre dimension sociale, participe de notre humanité. L’oxymore à la mode, la fameuse « distanciation sociale » est à ce titre particulièrement délétère dans la mesure où elle suppose un non-sens : la possibilité de constituer une société à distance les uns des autres.
Comment « faire société », comme on dit de nos jours, quand on n’a plus de liberté de circuler ou de se réunir ? Quand trois voisins qui se croisent et échangent des nouvelles dans la rue devient un attroupement suspect ? Commercer, échanger, se saluer… autant d’actes indispensables à une société pour exister. C’est au niveau du groupe l’équivalent de la vie biologique, qu’on se fait pourtant si fort de protéger au niveau individuel par ces listes d’interdictions à la Prévert. Le confinement n’aura pas été qu’un coma social puisque ces actes pourtant fondamentaux à l’existence d’une société n’auront toujours pas court dans leur entièreté alors même que le déconfinement est semble-t-il en cours.
C’est à notre humanité même que nous avons renoncé quand nous avons accepté d’enterrer nos morts à la sauvette et, sous couvert de les sauver d’un virus, nous avons accepté d’en laisser mourir d’autres de tristesse et de solitude. Pour pouvoir reconquérir nos libertés et nos droits politiques, commençons par retrouver cette humanité et ce qui fait de nous une société. Nos voisins ne peuvent se satisfaire d’un signe de main furtivement échangé d’un jardin à un autre. Nos parents, nos grands-parents méritent mieux qu’une photo sur Whatsapp.
Le récent assouplissement du confinement ne nous aura pas non plus pleinement rendu notre liberté de culte. Or, l’être humain n’est pas que biologie et vie sociale. Il aspire également à la spiritualité, et cette spiritualité se vit en communauté. L’être humain a toujours ritualisé et fêté naissances, mariages, décès… L’expression publique du culte est non seulement une liberté fondamentale, elle est aussi tout simplement une nécessité humaine. Son interdiction marque la césure définitive entre les lois naturelles et le pouvoir.
Si Antigone s’est levée face à Créon, ce n’est pas pour un morceau de pain ou un remède miracle contre la peste ; c’est pour le droit d’enterrer son frère, par respect des lois naturelles, dont la légitimité dépasse de toute éternité les ordonnances, les décrets et les injonctions à la citoyenneté des uns et des autres. Alors comme Antigone répondons au tyran « je ne pense pas que tes décrets soient assez forts pour que toi, mortel, tu puisses passer outre aux lois non écrites et immuables des dieux » et ne nous laissons pas dépouiller de nos droits, de nos libertés et de notre humanité par des lois injustes.