A tous ceux qui brandissent « l’Égalité » comme argument d’autorité, nous pouvons aujourd’hui demander « mais de quelle égalité parlez-vous ? ». Il existe plusieurs façons de concevoir l’égalité en France, parmi lesquelles un nouveau concept apparu dans la loi Égalité Femmes-Hommes: l’égalité dite « intégrée ». Nous connaissions l’égalité devant la loi, nous connaissions l’égalité de fait, mais qu’est-ce qu’une égalité intégrée ?
La première conception historique de la notion d’Égalité en France, c’est l’égalité devant la loi. Il s’agit d’un principe juridique énoncé dans l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « la loi (…) doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». L’application brute de ce principe a dans un premier temps entraîné la suppression de droits protecteurs envers les femmes, comme par exemple les facilités d’accès aux postes de la fonction publique pour les mères de famille. En conséquence, en 1982, le Conseil Constitutionnel avait jugé anticonstitutionnelle la politique paritaire des quotas.
Petit à petit, le législateur opère un glissement : l’égalité devient une finalité. Pour marcher vers une « égalité de fait », il se sert désormais de discriminations dites « positives ». Depuis une décision du 9 avril 1996 du Conseil Constitutionnel, une limite et exception au principe juridique d’Égalité rend possibles ces discriminations, pourvu qu’elles répondent à « l’intérêt général ». La décision stipule en effet que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations objectivement différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général ». Désormais, des discriminations légales entre hommes et femmes sont possibles.
Le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem marque une troisième étape, nouvelle version de l’égalité inconnue jusqu’alors : l’égalité dite « intégrée » qui combine égalité devant la loi et égalité de fait. La fin (égalité devant la loi) et les moyens (égalité de fait) sont confondus, le contexte politique permettant seul de trancher et de donner la primauté à telle ou telle version de l’égalité. Loin de résoudre la contradiction entre égalité de droit et égalité de fait cette « égalité intégrée » est un nouveau système dont la clef de voûte repose sur une interprétation idéologique, caractéristique d’un système de pensée à tendance totalitaire.
Nous ne voulons pas d’un principe d’égalité devenu le masque d’une idéologie qui pourra s’appliquer dans la coercition et le mensonge. Et si nous envisagions les choses autrement ? L’égalité devant la loi est inefficiente lorsqu’il s’agit de protéger les femmes de violences physiques ou de proposer des solutions concrètes aux femmes que leur condition sexuée place en situation précaire – en raison notamment de la maternité. Nous proposons le principe des inégalités protectrices, méthode réaliste et concrète permettant d’appliquer à des situations différentes des traitements différents. Ces inégalités protectrices doivent être pratiquées en vue de l’intérêt général, trouver leur limite dans l’objectivité des différences de situation, et n’être qu’une exception à l’égalité devant la loi. La différence sexuelle peut, dans des situations concrètes et objectives comme la maternité, ou encore le constat réaliste de la fragilité physique de la femme en cas de violences, fonder des mesures protectrices inégalitaires.