A l’occasion des présidentielles 2017, nous vous proposons une lecture croisée des programmes des cinq candidats les plus plébiscités dans les média – Marine Le Pen, François Fillon, Emmanuel Macron, Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon – comportant notamment une analyse de leurs positionnements sur les questions féminines.
Nous vous proposons également nos propres propositions aux candidats pour apporter des solutions concrètes aux problématiques des Françaises.
La lecture croisée des programmes des cinq candidats les plus plébiscités dans les média – Marine Le Pen, François Fillon, Emmanuel Macron, Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon, outre les enjeux électoralistes immédiats, est un moyen de dégager des grandes tendances de notre société. Entre précarisation, absence de réponses aux questions féminines majeures, et fibre transhumaniste, l’horizon dessiné par notre analyse se révèle inquiétant.
Femme et économie : précarisation en marche
Dans un contexte économique difficile, les candidats à la présidentielle prennent pour acquise la précarisation à venir de notre société. Marine Le Pen fait exception à ce constat avec sa proposition de sortie de l’Union Européenne et ses mesures protectionnistes.
La libéralisation de l’économie
François Fillon, Emmanuel Macron, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ne prévoient aucune modification de la Loi Macron, qui précarisait en premier lieu les femmes, surreprésentées dans les postes concernés par le travail du dimanche. François Fillon et Emmanuel Macron proposent d’aller plus loin encore avec des mesures comme le plafonnement des indemnités de licenciement et la restriction des sujets de négociation dans les accords de branche.
Emmanuel Macron assume pleinement ce positionnement ; avec des dispositions visant à lisser les emplois salariés sur les emplois cadres sans que les salaires ne suivent, signant au passage l’arrêt de mort des professions règlementées au profit de l’hyper-concurrence.
François Fillon organise lui aussi la mort du salariat – et la précarisation de la société qui en est le corollaire – avec la possibilité donnée aux entreprises de définir sans convention préalable un temps de travail de 39h, et la destruction définitive des avantages des fonctionnaires quels qu’ils soient. Si un régime aussi distinct de celui emplois privés représente une injustice évidente, le nivellement par le bas n’est certainement pas la solution. Soulignons d’ailleurs que certains de ces avantages (flexibilité du temps de travail, reconnaissance de carrière par l’avancement, sécurité de l’emploi, adaptabilité des postes aux difficultés individuelles) sont favorables à l’emploi féminin : les supprimer accentuera d’autres inégalités.
Quant à Benoît Hamon, il essaie de camoufler le problème par l’avènement du revenu universel, qui ne sera qu’un droit au silence de tous les citoyens. « Vous n’avez pas d’emploi ? Mais vous avez un revenu, de quoi vous plaignez-vous ? ». Les salaires seront immédiatement tirés vers le bas, chacun ayant déjà de quoi « vivre ». Une frange non négligeable de la population devra se contenter de ce maigre revenu, censé satisfaire des besoins individuels préalablement définis par l’Etat.
Le congé parental
Pour Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon et Benoît Hamon, limiter drastiquement les congés parentaux pris par les femmes est un moyen de limiter les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, ces dernières retournant plus vite sur le marché du travail. Nulle volonté donc de revenir sur les dispositions de la Loi-cadre Egalité Femmes-Hommes de 2013, qui prévoit la prise complète du congé parental uniquement si les deux parents en prennent successivement une partie. La mesure est on ne peut plus bourgeoise : il est peu probable qu’une femme ayant un travail pénible et peu rémunérateur fasse le choix de reprendre au plus vite son travail pour son bénéfice économique. Sans compter que de telles dispositions sont des facteurs propices aux avortements économiques, déjà l’une des premières cause d’avortement en France.
Le retour aux dispositions précédant cette loi que propose Marine Le Pen est un premier pas intéressant puisqu’il réinstaure le libre choix des parents. Pour autant, les propositions de la candidate demeurent insuffisantes puisque son programme reste silencieux sur le fond de la question, soit l’enjeu économique que représente le congé parental pour les familles comme pour les entreprises. Pour que le congé parental soit véritablement un choix pour les femmes, des mesures économiques protectrices concrètes seraient les bienvenues. Par ailleurs, Marine Le Pen pas plus que les autres candidats n’évoque dans son programme le coût de ces congés pour les petites et moyennes entreprises – qui forment pourtant la majeure partie du tissu économique français. Cette charge portée par les entreprises est pourtant l’un des facteurs principaux de discrimination à l’embauche et d’inégalités salariales entre hommes et femmes.
Les droits des femmes, la grande illusion
Si certains des programmes analysés laissent à penser qu’il existe des nouveautés en matière de droit des femmes, c’est une illusion. En réalité, aucun ne propose d’innovations en la matière.
La question des quotas
Pour les quatre candidats masculins, il semble évident que le futur gouvernement sera strictement paritaire. Une telle mesure ne palliera pourtant pas l’absence des femmes en politique, domaine professionnel considéré comme non sécuritaire et chronophage.
Moralisation du monde politique et réorganisation du travail dans les postes à responsabilité ne seraient-elles pas de meilleures réponses que des quotas qui ne feront que favoriser la misogynie ordinaire ? Les femmes doivent être présentes à leurs postes pour leurs compétences réelles, et non pour appliquer des quotas et/ou pour éviter des amendes – autrement, elles seront suspectées de n’être que des prête-noms. Un gouvernement paritaire n’est ainsi en rien le gage d’une amélioration des conditions d’accessibilité des femmes en politique.
Si Marine Le Pen quant à elle n’est pas favorable aux quotas, c’est qu’elle adopte dans son programme une vision soixante-huitarde des femmes : la femme est « un homme comme les autres ». Elle défend ainsi des « libérations féminines » qui nient toute spécificité aux femmes ; avortement et pilule seraient des facteurs de liberté.
Les violences faites aux femmes
Sur un sujet aussi primordial que celui des violences faites aux femmes, chaque candidat y va de son commentaire. Marine Le Pen est toutefois la seule à proposer l’abrogation de la Loi Taubira II, surnommée « la prison pour personne », qui prévoit que les peines d’emprisonnement de moins de deux ans resteront sans effet. Le retrait de la loi Taubira, et l’augmentation du nombre de places dans les prisons qui en est le corollaire pratique, serait une bonne nouvelle pour les femmes victimes de violences. C’est même un minimum qui relève du simple bon sens.
Le programme du Parti Socialiste propose des mesures de principe sans conséquence réelle sur la sécurité des femmes, comme des campagnes de sensibilisation contre le sexisme. Benoît Hamon annonce par contre clairement sa position sur l’IVG par sa volonté de voir le territoire français tapissé de plannings familiaux. Rappelons ici que le Parti Socialiste refuse de considérer que l’IVG puisse être source de violences pour les femmes.
La PMA et la GPA
Benoît Hamon, dans un chapitre concernant ce qu’il appelle des « nouveaux droits » pour les femmes, est le seul à évoquer la question de la PMA. Aujourd’hui réservée aux couples hétérosexuels ayant des difficultés à concevoir un enfant, le recours à cette pratique est en pleine expansion.
La PMA semble justifiée pour les couples comme une solution technique ayant vocation à résoudre un accident ; mais sur le plan philosophique, dès lors que le Parti Socialiste, en la personne de Monsieur Hamon, suggère de l’ouvrir aux couples de même sexe et aux femmes seules, elle prend une toute autre signification. C’est l’instauration un droit à l’enfant même lorsque les conditions naturelles pour le concevoir ne sont pas réunies, au moins en puissance. Plus grave encore, nous basculons en plein transhumanisme, avec le fantasme d’un homme augmenté qui peut enfanter seul. La technique n’a plus pour rôle de réparer un accident mais d’augmenter artificiellement les capacités naturelles de l’être humain pour faire de l’enfant un droit de la femme (seule). Cette disposition est lourde de conséquences anthropologiques. Elle ouvre d’ailleurs grand la porte à son corollaire pour les couples d’hommes, la Gestation Pour Autrui.
Si aucun candidat ne s’est déclaré à proprement parler favorable à la GPA, deux d’entre eux se positionnent en sa faveur implicitement. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon souhaitent en effet élargir les moyens de reconnaissance d’un enfant.
Le transhumanisme
Cyber-sécurité, e-santé, robotisation… autant de « progrès » auxquels les Français sont appelés par les candidats à s’adapter, de gré ou de force. Le programme assez court de Jean-Luc Mélenchon ne s’attarde par sur ce point finalement assez consensuel tandis que François Fillon inscrit l’utilisation massive des nouvelles technologies dans ses dispositions dites « urgentes ». On y trouve des mots clefs du transhumanisme : cybertsurveillance, e-santé, agritech, blockchain, open data pour tous…
Si les nouvelles technologies sont sans aucun doute un outil utile pour faciliter notre quotidien, elles emportent avec elles leur lot de dangers, pour nos libertés notamment. Dans les programmes de François Fillon et Marine Le Pen, leur utilisation est principalement justifiée par la préoccupation sécuritaire, avec par exemple la proposition du Front National de fusionner Carte d’Identité Nationale et Carte Vitale « biométrique ». Nous avançons à grands pas vers une société façon Bienvenue à Gattaca. Le contrôle des citoyens sous couvert de lutte contre l’islamisme revient toujours à limiter les libertés des honnêtes gens, la loi étant la même pour tous.
Dans le programme d’Emmanuel Macron, c’est d’abord la doctrine libérale qui justifie la mise en avant d’un transhumanisme qui ne dit pas son nom. Pour ce candidat, la politique n’existe qu’à travers le prisme d’une économie débridée. L’Etat n’existe qu’en tant que régulateur froid, fort pour les faibles et faible pour les forts. Emmanuel Macron part donc du principe que ceux qui n’ont rien à cacher n’ont pas d’intimité à préserver. C’est pourtant bien celles et ceux qui n’ont rien à cacher qui ne devraient pas avoir à être contrôlés. La prospérité, l’ordre et la cohésion d’un pays libéral ayant leur fondement dans l’économie, la surveillance des citoyens a une double fonction. Elle permet évidemment de surveiller toute activité hors-la-loi. Mais surtout, elle est un outil d’entretien du système, permettant de mesurer qui participe, où, quand et comment, au système de consommation – et déterminer comment stimuler cette participation. Bienvenue dans l’ère du big data.
Le programme de Benoît Hamon n’échappe pas à cette fibre technophile, avec sa « confiance dans le numérique » et sa « contribution sociale sur les robots ». Le revenu universel prend une toute autre dimension sous l’éclairage du transhumanisme : il devient une solution compensatrice à la robotisation en passe de changer notre économie et surtout notre organisation sociale.
Notre engagement de femmes nous porte à nous opposer, fermement et radicalement, à cette technophilie sans recul. Prétendre résoudre des problèmes humains par la technique, comme les déserts médicaux avec la e-santé, ou le terrorisme avec la cyber-surveillance, est un leurre. Les problèmes eux-mêmes sont éludés en faveur d’un pis-aller.
Le sujet nous tient à cœur parce les femmes sont les derniers remparts à cette société liquide, à ses fantasmes de rapidité, d’immédiateté et de toute-puissance. Le corps féminin, avec ses cycles, ses grossesses, sa fécondité, est par nature hors de l’illimité. Un cycle féminin est un éternel recommencement, dans lequel ce qui est possible aujourd’hui ne l’est pas demain ; le corps des femmes est changeant, son temps est discontinu – premières règles, grossesses, enfantements, allaitements, sevrages, ménopause le rythment et le limitent. Ce temps des femmes est à la base de toute vie humaine, de toute organisation sociale. Lorsque l’illimité du temps et de l’espace devient une solution aux problèmes humains, les bornes sont franchies et tout est orienté vers la disponibilité humaine, y compris celle des femmes. La maternité naturelle étant une barrière à cet illimité ; elle sera le dernier obstacle à éliminer. De la voiture autonome à l’utérus artificiel, il n’y a finalement qu’un pas.
En outre, la simple idée de remettre nos vie au bon fonctionnement des machines – qu’il s’agisse de la protection de nos données, de notre sécurité ou de notre santé – est une aberration anthropologique. Ne serait-il pas considéré comme un fou l’homme qui verrait son salut et sa liberté dans un marteau ou une faucille ? Cette obsession technicienne et matérialiste réduit l’homme à l’état de prototype en évolution ; tandis que nos libertés sont le prix à pays pour garantir notre sécurité et l’efficacité de notre système économique.
En guise de conclusion
La conclusion vous appartient – libre à vous de choisir à qui ira votre bulletin de vote. Ces quelques lignes n’ont eu pour prétention que d’éclairer deux ou trois thèmes que nous jugeons primordiaux pour nous, femmes françaises, mais également pour tout le corps social. Concernant nos droits de femmes et notre sécurité, rien à signaler – ou si peu. Pour le reste, l’horizon qui se dessine est lourd de menaces : celle de la précarité généralisée, celle du transhumanisme, celle de la mort de nos libertés réelles.