Une tribune d’Anne Trewby et Iseul Turan parue sur le site internet de Valeurs Actuelles le 16 octobre 2019, à retrouver ici.
Dans le débat autour de la loi sur la PMA pour toutes, à aucun moment la question de la PMA elle-même n’a été posée. Aujourd’hui, elle est devenue un sujet tabou. Pourquoi ? Pourquoi ne peut-on pas parler de PMA aujourd’hui ?
L’éléphant au milieu du salon, le grand tabou de la PMA, c’est l’infertilité. Celle des couples, qui représente autant d’histoires individuelles, de souffrances, de parcours médicaux douloureux et interminables ; mais aussi celle, massive, du corps social, devenue un problème politique à part entière.
Du point de vue des couples, la PMA, c’est l’espoir d’un enfant. C’est aussi un parcours du combattant dont on ne peut guère partager les douleurs, les incertitudes, et les espoirs en société. Il y a quelque chose de gênant, presque une honte, dans la douleur tant charnelle qu’émotionnelle des personnes concernées.
Face à ces situations, il n’est pas aisé d’évoquer le sujet. Chacun parle de son vécu, de son expérience, en subjectivisant ce processus médical : que peuvent les grands discours, les lois morales et les questions de principe face à tant de souffrances ? Remettre en question la PMA, aujourd’hui, équivaut à dire à ces couples qui se battent contre l’infertilité « je me fiche de votre souffrance, votre parcours est égoïste et je souhaite vous refuser cette dernière option qu’il vous restait encore ». Ce que nous voulons, nous, c’est qu’ils se voient proposer des solutions réellement efficaces – disons qui aient plus que les petits 10% de réussite de la PMA – et respectueuses.
Il y aurait effectivement tant à dire sur le prix que paient ceux qui passent par ces procédures. La PMA n’est pas un procédé anodin pour le corps féminin, entre injections hormonales à haute dose et risques liés aux grossesses multiples. Elle est la porte ouverte à la marchandisation du corps des femmes et de leurs précieux gamètes, et à un eugénisme de plus en plus assumé, qu’importe les efforts de quelques-uns pour faire des PMA plus « éthiques ».
Le grand scandale de la PMA, c’est qu’elle soit devenue la réponse quasi unique du corps médical à l’infertilité. Il y a pourtant derrière chaque histoire individuelle, ni coup de malchance ni punition mais bien un problème de santé public majeur. Malgré tous les efforts de chacun pour éviter les toxiques, mieux manger, adopter une bonne hygiène de vie, les choix mortifères de nos sociétés en termes agro-industriels impactent jusqu’aux plus attentifs des couples, confrontés non seulement à l’infertilité, mais également à des gênes et douleurs pour certains quotidiens (dysménorrhées, endométrioses, problèmes thyroïdiens, dépressions…).
Malgré quelques médecins bien intentionnés mais dépourvus de solutions, tous ces problèmes, la PMA les nie ou les relègue au rang de caprices. Il n’est pas question de traiter les causes de l’infertilité du couple mais de lui « fournir » un enfant miracle. Au mieux, le couple restera avec ses problèmes de santé et devra s’estimer bien chanceux d’avoir un enfant, au pire on lui proposera l’adoption, parcours également douloureux, et encore complexifié dernièrement par le « mariage pour tous ». La PMA est avant tout une manne économique pour toutes ses parties prenantes à l’exception bien sûr des couples qui y ont recours.
L’incapacité du corps médical à identifier les difficultés des uns, l’impuissance à guérir celles des autres cache un choix délibéré de privilégier la recherche sur des techniques rentables et potentiellement pourvoyeuses en cellules souches plutôt que sur l’étude des cycles hormonaux des hommes et des femmes. A ce titre, la PMA pour toutes n’est finalement qu’une ouverture de marché vers de nouvelles ressources à exploiter.
Si quelques chercheurs isolés arrivent à percer petit à petit les mystères du cycle féminin et si certaines médecines alternatives ont déjà réussi à offrir à des couples les réponses que le corps médical leur refusait, c’est bien qu’il y a des pistes concrètes à creuser. A nous de nous battre pour qu’elles soient mieux connues et que leurs défenseurs puissent poursuivre leur travail au service de la santé des femmes et de la fertilité des couples. Il en va non seulement de la souffrance des couples concernés, mais également de l’avenir de notre société.