Suite à un article paru dans l’Express, les Antigones ont posé quelques questions à Mathilde Gibelin, l’une de leurs membres souvent citée par les journalistes.
Selon une « enquête » de Manon Gauthier-Faure de L’Express, tu es une féministe « identitaire »?
Je suis sûre que dans un futur proche cet article de Manon Gauthier-Faure de L’Express sera montré en exemple dans toutes les écoles de journalisme. « Voici ce qu’on appelait une enquête, avant que la presse papier ne disparaisse définitivement », dira-t-on… Qu’une journaliste, qui a fait une école similaire à la mienne soit dit en passant, puisse faire passer pour une « enquête » le visionnage de deux vidéos sur Youtube et un coup de téléphone de 5 minutes aux deux inévitables Dupont et Dupond de l’extrême droite, Stéphane François et Jean-Yves Camus, me laisse sans voix…
Que veux-tu dire ?
Comment dire les choses sans être trop méchante ? Lire sous la plume de Stéphane François que les jeunes femmes entrent en politique en général et aux Identitaires en particulier parce qu’elles en ont « ras-le-bol de la drague inélégante » (sic) : quelle trouvaille ! Quelle analyse ! Quelle hauteur de vue ! J’espère que ce monsieur est plus compétent sur la tribu Ka, le métal et les gothiques, ses autres sujets d’études… Moi, j’ai l’impression qu’il lui reste encore un petit bout de chemin avant de comprendre les femmes, toutes les femmes d’ailleurs, de droite, du centre et de gauche. Alors, je vais lui donner un petit conseil : «Stéphane, dites-vous que même au Front de Gauche, les femmes n’aiment pas la « drague » lourdingue. Et que c’est franchement loin d’être notre motivation première ! » .
Toujours est-il que tu fais partie des Antigones…
Et j’en suis fière. Je le revendique même, car c’est un beau combat face à un féminisme institutionnel qui ne sait que dire «égalité» et se désintéresse de la «chair de l’existence». Ce n’est pas moi qui le dis mais Claude Habib (note pour Stéphane François: Claude Habib n’est pas aux Identitaires, c’est une lectrice de Jean-Jacques Rousseau et une spécialiste du XVIIIe siècle). «La chair de l’existence»… C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais trouvé quoi que ce soit qui me convenait vraiment, avant de m’impliquer dans les Antigones, et surtout pas dans les partis politiques. Je récuse donc toutes les affiliations que l’on me prête.
Qu’est-ce que l’« enquête » de L’Express ne dit pas sur les Antigones ?
Significativement, Manon Gauthier-Faure de L’Express ne dit, par exemple, rien de notre opération « Les banques vous font chanter ? Dansez avec les Antigones !», devant la Banque de France, place Estrangin, à Marseille. Eh oui, les Antigones, c’est aussi ça : réapprendre à chanter et danser ensemble, en couple, devant les banques, pour opposer les liens humains aux liens marchands. Pour opposer notre joie de vivre à la faillite de notre société où nous conduit tout droit le système capitaliste. Mais j’imagine qu’il ne fallait pas fâcher la régie publicitaire de L’Express. Je crois que ce qui gêne le plus les amateurs d’étiquettes, c’est que les Antigones se veulent sans subordination partisane ou confessionnelle, que nous ne prétendons pas représenter toutes les femmes, que nous rejetons l’idéologie du genre, ultra-minoritaire mais dominante dans les sphères médiatique et politique. Et qu’ils ont bien du mal à comprendre ce schéma !
Que lui aurais-tu dit si cette journaliste de L’Express avait pris la peine de te contacter ?
Mais elle m’a contacté ! Pour discuter des Antigones. Prise par le temps, je l’ai mise en contact avec une autre Antigones, Isabelle. Mais elle n’a jamais abordé cette question des affiliations qu’elle me prête. Sinon, je lui aurais répondu que je n’ai jamais été engagée aux Identitaires contrairement à ce qu’insinue l’article. Que je n’ai rien à voir avec Résistance républicaine de Christine Tasin. Que mon Tour d’Europe à pieds n’avait rien de politique. J’avais 22 ans. C’était une belle et magnifique aventure soutenue par le programme européen « Jeunesse en action » et la Fédération française des maisons de l’Europe. Que grâce à notre épopée européenne, j’ai eu la chance de rencontrer des dizaines de journalistes français, roumains, italiens, tchèques, etc. et donner plusieurs dizaines d’entretien (Ouest-France, Midi-Libre, Le courrier de la Mayenne, et tant d’autres dont Belle et Rebelle). Que j’ai posté en tout et pour tout un article et trois interviews sur le site Boulevard Voltaire, ce qui ne me pose aucun problème mais qui ne font pas de moi une activiste forcenée ! Que je n’ai pas de lien avec le Front national ni avec Robert Ménard. Que le GRECE n’est pas « racialiste » mais pro-européen, écologiste et anticapitaliste, et que son chef de file, Alain de Benoist, a plusieurs fois indiqué qu’il était favorable au port du voile islamique, ce qui en fait un fort mauvais convive à l’« apéro-saucisson-pinard » de Christine Tasin. Bref, rien ne tient debout dans cet article qui amalgame les torchons et les serviettes, Riposte Laïque et le GRECE, les Identitaires et les Antigones…
Y a-t-il tout de même un élément positif dans cette enquête ?
Oui. Il y a une bonne nouvelle. Les Antigones vont pouvoir délivrer une carte d’honneur au chercheur Jean-Yves Camus, président de l’Observatoire des radicalités politiques (l’ORAP), pour cette phrase délicieusement réactionnaire : «Les mouvements féminins se forment plutôt autour de sujets sociétaux ». Une petite phrase que j’ai une folle envie de transmettre aux chiennes de garde, mais qui restera entre nous. L’a-t-il dit ? Ou bien Manon Gauthier-Faure de L’Express, qui fait du sexisme sans le savoir, un peu comme Monsieur Jourdain fait de la prose sans le savoir, l’a-t-elle mal recopiée ?