Nous avons déjà évoqué l’idéologie qui préside aux textes du projet de loi-cadre Égalité Femmes-Hommes et les plus évidentes et violentes des mesures qu’elle propose. Une lecture approfondie du texte permet de comprendre que le travail de refonte des valeurs que cherche ce texte ne s’arrête pas là. Un certain nombre de propositions apparemment anodines s’avèrent après examen non moins dangereuses que les premières.
Les débats autour de l’influence grandissante des études de genre dans les programmes éducatifs français ont été l’occasion pour notre gouvernement d’affirmer sa ferme volonté de « lutter contre les stéréotypes de genre ». Le projet de loi-cadre Égalité Femmes-Hommes s’inscrit dans la continuité de ce travail. Pour s’assurer que les média ne fassent aucune différence entre hommes et femmes, l’article 16 « veille, d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples ». Qui donc s’arrogera le droit de censurer les « stéréotypes », et qu’est-ce qui permettra de déterminer si un « stéréotype » est bon ou mauvais ? M. Peillon, madame Vallaud-Belkacem, monsieur Hollande lui-même ?
Jugeant notre cadre législatif quelque peu sexiste, le gouvernement propose également dans le projet de loi-cadre de supprimer de la jurisprudence la notion de « bon père de famille », remplacée par « raisonnablement ». Pour satisfaire quelques susceptibilités de féministes radicales, nos représentants proposent de remplacer une métaphore (« bon père de famille » vient de l’expression bonus pater familias, soit « prudent et diligent, attentif, soucieux des biens et/ou des intérêts qui lui sont confiés comme s’il s’agissait des siens propres ») par une platitude. Cette perte de richesse sémantique pour la jurisprudence est un changement parfaitement inutile pour une notion juridique dont la valeur dépasse la question des représentations sexuées.
Enfin, loin d’être anodine, la disparition du nom d’épouse des documents administratifs (qui ne sera utilisé que si l’épouse en fait explicitement la demande) implique des retombées d’ordre symbolique considérables. Les femmes en France n’ont jamais juridiquement changé de nom pour prendre celui de leur époux, qui n’était en fait qu’un nom d’usage toléré et valable dans les papiers administratifs. Toutefois, ce nom d’usage permettait de rattacher la femme et les enfants (dont la filiation est certaine) au père, instaurant une primauté de la filiation juridique sur la filiation biologique. Cette modification revient donc à estimer le rattachement au père inutile à la construction de la cellule familiale, comme l’est celui de Madame à Monsieur. Ces changements par petites touches signent dans le droit et dans sa traduction administrative la disparition de la famille. Si celle-ci n’a plus de réalité juridique, elle perdra sa réalité sociale. A quand l’individualisation de l’impôt ?
Ce sont de telles dispositions, d’apparence discrète, voire anodine, qui révèlent peut-être le mieux la teneur idéologique des textes de lois élaborés par le gouvernement actuel : la « lutte contre les stéréotypes », la réforme du vocabulaire juridique, l’individualisation du fonctionnement administratif qui contribue par petites touches à la dissolution de la cellule familiale, ne répondent à aucune nécessité sociale. Elles ne visent pas l’amélioration des conditions de la vie en société, mais la transformation des mentalités, qu’elles réalisent en prétendant l’accompagner.