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Une tribune d’Anne Trewby, présidente d’Antigones, parue sur le site internet de Valeurs Actuelles le 14 octobre 2020, à retrouver ici.
Ça y est, le rapport sur les “1000 premiers jours de l’enfant” commandé par le gouvernement a été publié. Le seul écho de ce rapport dans les média a été la proposition d’allongement du congé paternité de 14 à 28 jours. Alors ce congé, bonne ou mauvaise idée ? Quel sera son impact réel sur le quotidien des familles ?
Le congé paternité, actuellement de 14 jours maximum (3 jours ouvrés de congé naissance et 11 jours consécutifs de congé paternité), paraissait effectivement bien maigre au regard du changement que représente l’arrivée d’un nouvel enfant dans un foyer. La mère se retrouve bien souvent seule à gérer les premiers jours du bébé, à une époque où les solidarités familiales et de voisinage font de plus en plus défaut aux familles. Dans un tel contexte, la possibilité pour les pères d’accompagner plus durablement l’arrivée au monde de leur enfant et de mieux épauler leur compagne semble fondée.
Sauf que ce n’est pas au nom de l’unité du couple que la mesure a été promue mais au nom d’une plus grande égalité homme – femme. Malgré quelques discrètes tentatives du rapport pour souligner l’importance de la différence sexuée dans le couple, c’est la doxa du moment qui triomphe : le congé paternité sera l’occasion pour monsieur de partager de manière la plus égalitaire possible les soins du bébé. C’était déjà au nom de cette sacro-sainte égalité qu’en 2014, la loi avait imposé le partage du congé parental que les parents pouvaient prendre à l’issu des congés maternité et paternité.
L’allongement de quinze jours du congé paternité se fera donc au prix d’une réduction drastique du temps global alloué aux parents d’un nouvel enfant
C’est là où le bât blesse : le congé paternité tel qu’il nous est vendu n’est qu’une mesure coercitive de plus visant à s’immiscer dans les choix personnels des couples. Les pères ne prennent malgré la loi de 2014 toujours que rarement des congés parentaux. Le rapport des 1000 jours s’en inquiète et propose donc de mieux les rémunérer. Pourquoi pas ? Après tout, nombre de mères qui aimeraient le prendre sont elles aussi bloquées par des raisons économiques. Sauf que pour ce faire, ce fameux congé parental dont le rapport nous vante les mérites, sera… écourté à neuf mois seulement, obligatoirement partagés entre les parents ! C’est-à-dire qu’aux six mois de l’enfant, les parents n’auront guère d’autres options que de faire garder leur enfant ou que l’un d’entre eux reste au foyer sans compensation aucune pour ses bons soins.
L’allongement de quinze jours du congé paternité se fera donc au prix d’une réduction drastique du temps global alloué aux parents d’un nouvel enfant. Plus encore qu’avant, ces choix seront conditionnés à des motifs économiques de survie : madame peut-elle se permettre ou non d’arrêter de travailler ? Les frais de garde sont-ils supérieurs ou inférieurs à son salaire ? L’allongement du congé paternité n’est qu’un effet d’annonce hypocrite d’un gouvernement qui étend à chaque nouvelle loi un peu plus son contrôle sur l’éducation des enfants et les choix de vie de leurs parents déjà fortement limités par le contexte économique actuel.
Evidemment, à aucun moment le rapport ne s’interroge sur les modalités actuelles de ces congés, que ne peuvent guère prendre les professions libérales, les travailleurs indépendants et autres situations spécifiques, et qui pèsent lourd sur les petites et moyennes entreprises. C’est d’ailleurs la source évidente de certaines discriminations à l’embauche envers les femmes dont se plaignent tant les égalitaristes de tout poil. Or que fait le législateur avec ces nouvelles propositions potentielles ? Il étend à l’intégralité d’une classe d’âge ces discriminations sans se préoccuper de la charge directe et indirecte que représentent ces absences pour les entreprises. Beau progrès pour l’égalité !
Ne soyons pas dupes des propositions de loi qu’on nous vante. Oui au congé paternité – au nom du soutien mutuel et réciproque que se doivent les couples – mais non à la réduction du congé parental. Et surtout, exigeons au plus vite des mesures concrètes et non idéologues en faveur des familles : soutien économique aux petites et moyennes entreprises dont les salariés ont de nouveaux enfants, allocations familiales non conditionnées aux revenus, statut légal et retraites associées pour les parents au foyer, et plus globalement refus de toutes les mesures qui fragilisent l’unité des familles – de la PMA pour toutes à la quasi-interdiction de l’IEF en passant par l’individualisation de l’impôt.