Après tout, la vie est une aventure, pourquoi ne pas la tenter ? Et si nous ne savons pas exactement quoi trouver, faisons confiance à Henri Vincenot : « marche, marche et tu verras ! »
Il y a quelques années, je partais pour un tour d’Europe à pied de 6 000 kilomètres. On me demande souvent si l’aventure ne me manque pas. Bien sûr, j’ai toujours envie de nuits en bivouac dans la neige, de marches harassantes dans un marécage, de rencontres sur le bord du chemin et de veillées au feu de bois. Mais l’aventure est un état d’esprit et se lancer en créant Antigones est une sacrée aventure !
Les parallèles entre la marche et notre mouvement féminin sont d’ailleurs nombreux.
Disons en préambule que je ne prétends pas affirmer qu’il n’existe qu’une manière spécifiquement féminine de marcher. Je pense qu’il existe de nombreux sentiers qui peuvent différer de ceux des hommes. Ces manières d’être au monde lorsqu’on est femme sont cruciales, nous avons d’ailleurs décidé de nous y consacrer cette année en travaillant sur le thème de Femme et féminités.
Je veux plutôt parler ici de notre « démarche » pour appréhender la société.
Marcher nécessite d’avoir les pieds bien plantés en terre et le regard haut vers l’horizon. De la même façon, nous étudions, réfléchissons, nous posons des questions tout en ancrant ces raisonnements dans notre vie quotidienne. Nous nous efforçons à cet aller-retour permanent entre nos idées et nos actes, étape indispensable pour une vie cohérente et vécue en pleine conscience et pour ne pas tomber dans l’idéologie.
Marcher de longues heures permet également de sentir son corps, d’apprendre à l’écouter. Or les produits chimiques ingérés et la distance croissante prise avec la nature nous conduisent à une vie hors-sol, nous coupant de notre corps qui est pourtant notre moyen d’être au monde. Les Antigones cherchent à rétablir l’unité entre l’homme et son corps, sans en faire un outil ou un objet. Avoir conscience de son corps, savoir le questionner, l’écouter, lui permettre de s’exprimer sans le brider nous permet d’appréhender bien plus sereinement le chemin de la vie et de nous épanouir.
Lorsque nous faisons une pause en marchant, nous sommes attentifs au chemin parcouru et savons que c’est grâce à toutes les étapes passées que nous pouvons être là aujourd’hui. De la même façon, les Antigones s’inscrivent dans la chaîne de ceux et celles qui nous ont précédés : nous assumons notre héritage et tentons de le faire fructifier. Pour transmettre à notre tour à nos enfants, nous devons regarder loin vers l’avenir, sous peine de marcher dans une direction qui ne nous mènera nulle part.
Les longues heures passées dans la nature, au contact de la Terre, à contempler nos sublimes paysages et la vie si complexe de ceux qui les peuplent ne peuvent que nous convaincre de l’importance cruciale de nous battre pour cet héritage, de prendre notre place dans cet écosystème. Les Antigones sont conscientes de la fragilité de notre société qui meurt d’asphyxie sans transmission. Plus que de réclamer des droits individuels ou pour des minorités, nous devons être responsables, assumer pleinement nos devoirs et nous battre sous peine de voir disparaître tout ce qui nous est cher.
La marche est faite de pas que l’on effectue l’un après l’autre, de petits efforts qui, ajoutés bout à bout, peuvent nous mener loin, très loin, jusqu’à des contrées que nous pensions inaccessibles. De la même façon, les Antigones sont persuadées que nous pouvons profondément agir sur la société à notre échelle. Par nos comportements, par des actes quotidiens qui feront levier sur notre monde et renverseront des montagnes. Il faut simplement mettre un pied devant l’autre pour ne plus rester spectateurs de nos vies, mais en devenir les acteurs principaux.
Alors, prenons notre part de responsabilité, engageons-nous ! À côté de l’autoroute médiatiquement promue, il y a des terres vierges à explorer. Nous avons décidé de progresser sur certaines d’entre elles. Nous laissons des cairns et allumons des torches dans l’obscurité.
Et si vous veniez marcher avec nous ?
Mathilde, cofondatrice des Antigones