Notre époque, celle de Gleeden, des plannings et du #DivorceSelfie, ne comprend décidément rien à l’aventure amoureuse… Et pourtant, s’il est bien des aventuriers en notre siècle, ce sont les mariés ! Car il n’est d’aventurier véritable que celui qui se donne corps et âme à sa quête, quête périlleuse et longue où chaque combat est une question de vie ou de mort : une Iliade et une Odyssée.
Le mariage est une aventure, une grande traversée faite de combats et de risques pris à deux, une quête commune d’un Graal à découvrir ensemble. Une telle vue semblera romantique et idéaliste à ceux qui n’ont jamais connu la fatigue et la lassitude d’une longue marche. Le quotidien du couple est comme une steppe, la steppe russe triste, aride et plate lorsqu’y règne l’hiver du cœur, ou la steppe kalmouke couverte de mille fleurs sauvages, lorsqu’un amour vrai et fort a résolu d’y faire régner le printemps jusque dans l’invisible quotidien.
Certains regrettent un jour la passion des premiers temps, parfois au point de dire un jour à l’autre : « Je ne t’aime plus ». Mais la passion n’a pas disparu, elle se transforme simplement, de jour en jour, faisant vivre des moments d’une intensité de plus en plus profonde tout en étant radicalement différents. Il faut simplement du courage pour sans cesse continuer la quête. La grande transformation de l’amour, c’est le signe qu’il ne s’éteint pas.
Notre époque a bien du mal à concevoir un tel engagement vécu jusqu’au bout ; elle offre toujours l’échappatoire du divorce. Mais qu’est-ce qu’une aventure où l’on peut encore appuyer sur la touche « Escape » ? Un papier peut bien annuler l’effet d’un autre, le serment prononcé et la foi jurée demeurent. Quelle tristesse de voir ces centaines de couples poster leur #DivorceSelfie comme déni de leur défaite, comme si le mariage était une illusion de jeunesse et le divorce un acte de maturité responsable ! Le mariage est une aventure car dès lors qu’il est prononcé, il est défi et responsabilité – pour soi-même, pour l’autre, pour la communauté familiale et la société qui l’entoure.
Pour se lancer dans le mariage, il faut partir libres et légers, débarrassé des amarres qui nous rivent au port – à commencer par celles de l’ego et du confort. Libres de soi-même, pour accueillir ce que nous donne la vie et la vie elle-même quand elle se donne. Et l’aventure alors se démultiplie, car elle donne le jour aux aventuriers qui transformeront le monde de demain, pour y être source de renouvellement.
L’état d’esprit du « planning », qu’il soit familial ou carriériste, est l’ennemi de l’aventure amoureuse : planifier, c’est tout aplatir (le plan est plat par définition). Le calcul, la maîtrise rationnelle, le carriérisme avec ses vitrifications d’ovocytes, aplatissent et affadissent la vie, rendant impossible l’aventure du mariage. Car le mariage véritable n’a rien à voir avec le serre-yeux d’une vie confortable et rangée, où tout serait prévu d’avance. S’engager à aimer une seule et même personne, de plus en plus chaque jour et jusqu’à la mort, qui plus est en donnant le jour à de nouveaux êtres dans un monde qui menace de tomber en ruine… voilà qui n’est ni très sérieux ni très rationnel ! C’est une folie, et cette folie est au cœur de l’aventure humaine.
Le projet « Antigones de A à Z » a pour but de préciser notre pensée par petites touches, en illustrant par une photo, une vidéo, une citation, etc. des idées nous caractérisant.