La pétition publiée le 19 mai dernier par les femmes du quartier de la Chapelle Pajol pour dénoncer les violences qu’elles subissent est un douloureux rappel au réel. C’est un harcèlement quotidien que leur font subir les bandes et attroupements d’hommes stationnés aux pieds de leurs immeubles : insultes, invectives, et même parfois agressions sexuelles. Pour Caroline de Haas[1], la solution à leurs maux est toute trouvée : élargissons les trottoirs parisiens !
La majorité des féministes françaises, après avoir rappelé que tous les hommes sont des harceleurs en puissance, déplorent l’instrumentalisation de cette pétition pour dénoncer l’immigration massive en France. Si elles veulent mettre fin au harcèlement de rue, il serait pourtant bon qu’elles acceptent d’analyser le problème dans toute sa complexité. Tous les hommes ne sont pas des harceleurs en puissance ! La situation à laquelle sont confrontées les femmes de La Chapelle Pajol résulte de plusieurs facteurs, parmi lesquels l’oisiveté du harceleur, la disparition de toute décence commune et un choc des cultures de plus en plus tangible.
Si évidemment, le harcèlement de rue n’est pas la prérogative des personnes immigrées, il est toutefois malhonnête de refuser de reconnaître que le fait migratoire accentue gravement ces problématiques. Comment sommes-nous passés d’un harcèlement de rue, disons… traditionnel — du type « hey mademoiselle, t’es mignonne, t’as pas un 06 », à sa version plus récente — « la bazardée[2], je te nik » ? N’en déplaise aux féministes conventionnelles, l’analyse du harcèlement de rue implique nécessairement d’aborder des sujets qui fâchent.
Dans les quartiers les plus touchés par le harcèlement de rue, on assiste à un véritable choc des cultures. La réalité des « quartiers » est bien loin du multiculturalisme heureux vendu par nos élites : la vie s’y organise en communautés séparées, qui regroupent les individus selon trois critères qui se surimposent avec plus ou moins de complexité selon le niveau de mixité du quartier : religion, pays d’origine, ethnie. Ce ne sont pas des individus isolés, mais des groupes culturels à part entière qui s’opposent à la culture française, et plus largement à la culture et au mode de vie occidental.
Les dévoilements de la chevelure et du visage sont autant de signes que le harceleur voit comme une invitation à l’insulte. L’apparence d’une femme est pour lui l’incarnation de différences culturelles et religieuses qu’il convient de haïr ouvertement. Sa mère et sa sœur ne sont pas de celles qui vont tête nue, alors pourquoi se retiendrait-il face à l’impudique étrangère ou face à celle qui a abandonné sa culture d’origine ? Ils n’appartiennent pas à la même communauté, rien ne les lie. Il est en droit de l’insulter.
Ajoutons à cela la perte de toute décence commune (au sens d’Orwell), et une justice assez indulgente pour créer un climat d’impunité et le harceleur n’aura plus aucune barrière morale ou légale l’empêchant de s’adonner à son sport favori. La société libérale-libertaire dans laquelle nous vivons représente à ce titre les conditions optimales pour l’épanouissement des harceleurs. Le corps des femmes est exposé nu sur les murs de nos villes pour vendre savon et voiture. Il sublime tout acte de consommation. Le sexe lui-même n’est qu’un produit parmi d’autres. Lorsqu’il n’est pas ouvertement tarifé, il n’en rentre pas moins dans une logique de consommation — plaisir. Et le désir pulsionnel est quant à lui partout encouragé. Ce désir, que l’on a reproché aux sociétés traditionnelles de brimer et de réprimer, se doit aujourd’hui de rester le plus brutal et incontrôlable possible pour garantir le bon fonctionnement de la société.
Rappelons enfin que « l’ennui est la mère de tous les vices ». Pour pouvoir pratiquer le harcèlement de rue, il faut avoir le temps d’y stationner. Une évidence qui mérite d’être rappelée puisqu’elle implique que les populations bénéficiaires des minima sociaux, en marge du marché du travail et sans obligations familiales quotidiennes, sont les premières concernées. Un meilleur discernement dans l’allocation des minimas sociaux devrait permettre de donner la priorité à l’aide aux plus nécessiteux – et notamment aux familles dans le besoin, et non le soutien à la délinquance, voire parfois au crime organisé. Dans le contexte que nous venons de décrire, ils ne sont plus le signe d’une solidarité nationale, mais une aumône consentie pour assurer la paix sociale. Et ces miettes de confort matériel ne font qu’entretenir la schizophrénie du harceleur, tiraillé entre son désir irrépressible de consommation et sa haine de celle qui porte les marques visibles de cette société libertaire.
Ces constats posés, il semble évident que la « largeur des trottoirs » et la « mixité dans les quartiers » ne changeront rien au harcèlement de rue spécifique aux quartiers immigrés, dans lesquels les femmes sont progressivement boutées hors de l’espace public. Il nous appartient de prendre acte de cette réalité — notre territoire est morcelé — et d’agir sur ceux de ces facteurs sur lesquels nous pouvons agir. À défaut de pouvoir inverser cette partition du territoire, la première mesure nécessaire à prendre est de stopper ce qui favorise le choc des cultures, à savoir l’immigration massive. Il nous appartient aussi de construire une société qui ne laisse pas la place à l’épanouissement de tels comportements, c’est-à-dire de transmettre et de cultiver notre propre héritage culturel.
[1] Une des fondatrices d’Osez le féminisme et candidate aux législatives 2017
[2] Titre de la chanson de KeBlack parlant d’une jeune métisse de quartier en terme peu élogieux