Le « projet de loi-cadre Egalité Femmes-Hommes » a été adopté en première lecture au Sénat et à l’Assemblé. Internet s’est enflammé et les articles se sont multipliés ; certains pour saluer, d’autres pour dénoncer la réforme du congé parental et la suppression de la notion de « détresse » de la loi sur l’avortement. Quel que soit leur point de vue, ces articles ne reflètent pourtant pas l’ensemble des bouleversements que représente ce projet de loi. L’intitulé du projet lui-même – « loi-cadre Egalité Femmes-Hommes» – devrait pourtant interpeller à plus d’un titre les oreilles averties.
Cette loi-cadre ne touchera pas seulement au congé parental ou à l’avortement, elle est un véritable cheval de Troie pour permettre à nos représentants de redéfinir l’orientation politique de l’intégralité de nos textes de loi. Une loi-cadre est en effet un texte qui permet à lui seul de modifier une multiplicité de dispositifs législatifs : le projet de loi dont nous traitons ici entraînera par exemple des modifications dans le Code civil, le Code de la santé publique, le Code des étrangers, le Code pénal, la législation de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales.
Enfin, ce projet vient couronner unglissement sémantique dangereux de la notion d’Egalité, principe juridique énoncé dans l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui stipule que la loi doit être la même pour tous, « sans autre distinction que celle de leur vertus et de leurs talents ». Après une première vague d’application brute du principe (en 1982, la Conseil Constitutionnel déclare par exemple le principe des quotas selon le sexe non-conforme à la Constitution), s’est opéré un glissement de la notion d’égalité devant la loi vers celle d’égalité de fait, permettant l’instauration de discriminations dites « positives ». Le projet de loi de Madame Vallaud-Belkacem marque une troisième étape, nouvelle version de l’égalité inconnue jusqu’alors : l’égalité dite « intégrée ».
Cette nouvelle notion place l’égalité à la fois comme principe et objectif, ce qui implique une confusion totale entre principes, moyen et fins. Par conséquent, seule l’idéologie à laquelle il adhère va permettre au législateur d’interpréter la loi et de donner la primauté à telle ou telle version de l’égalité. Si nous défendons le principe d’égalité des femmes et des hommes devant la loi car nous croyons fermement à leur dignité égale en tant qu’êtres humains, nous ne pouvons souscrire à cette Egalité ainsi redéfinie de manière idéologue. Ce projet de loi consacre un glissement de la compréhension de la notion d’Egalité d’un principe juridique à une idéologie fourre-tout qui tente de concilier deux erreurs intellectuelles majeures, combat des sexes et affirmation de leur indifférenciation.
Avant même la lecture du détail de ce projet de loi, il convient donc de souligner les prémisses idéologues sur lesquels il se fonde, et le climat politique totalisant qu’il instaure. Nos représentants auraient-ils oublié que les lois qu’ils façonnent n’ont pas vocation à créer un Homme Nouveau mais à organiser la vie en société de manière à favoriser l’épanouissement de chaque individu ?